La nouvelle ministre de l’Agriculture, de la Forêt et de la Souveraineté alimentaire nous a accordé sa toute première interview depuis sa prise de fonction. Son installation, les dossiers prioritaires qu’elle devra gérer, elle livre ses premiers sentiments.

C'est à dire : Où sont allées vos pensées au moment d’être nommée ministre ?
Annie Genevard : Il y a eu plusieurs temps. Le premier moment vraiment émouvant a été vécu le samedi soir au comice de Mouthe. Michel Barnier m’avait appelé quelque temps avant, mais j’ai tenu à rester le soir auprès des agriculteurs pour l’annonce officielle de ma nomination. Cela avait à mes yeux beaucoup de sens d’être là, au milieu des éleveurs du canton et des élus locaux. L’explosion de joie à l’annonce de cette nomination a été évidemment très touchante. J’ai évidemment eu aussi une pensée pour ma famille, ma maman bien sûr, avec qui j’ai partagé l’engagement dans la vie publique. J’ai été maire en même temps qu’elle l’était dans sa commune, j’ai été députée alors qu’elle l’avait été quelques années auparavant dans une autre circonscription. Forcément, j’ai pensé à tout cela aussi à l’occasion du premier conseil des ministres.

Annie Genevard dans les jardins de l’Hôtel de Villeroye qui abrite le ministère de l’Agriculture (photo ministère de l’Agriculture).

Càd : Ce poste de ministre est un aboutissement pour vous ?
A.G. : Oui, dans le sens où c’est le résultat de l’engagement que j’ai auprès du monde agricole depuis douze ans. Je dirais plutôt que c’est une continuité. J’ai énormément appris à leurs côtés, sur le plan professionnel et humain. Ce portefeuille de l’Agriculture, c’est une responsabilité de cœur pour moi. C’est un grand ministère qui concerne tous les Français, sans exception, car il touche aussi bien à des activités ancestrales qu’à l’avenir de ce pays, sa souveraineté alimentaire, l’identité de ses terroirs, etc.

Càd : Certains vous voyaient à l’Éducation, d’autres à la Culture. L’Agriculture était un ministère auquel vous aviez songé ?
A.G. : D’une certaine façon, ce n’a pas été une surprise pour moi car c’est tellement identifié à ce que je fais depuis plus de dix ans. J’ai souvent dit jusque-là que je me considérais comme la députée des agriculteurs. Je suis fière aujourd’hui d’être leur ministre.

Càd : Depuis votre installation, les dossiers se sont sans doute accumulés sur votre bureau. Comment allez-vous les empoigner ?
A.G. : J’avoue que depuis le 23 septembre, je suis un peu comme dans une lessiveuse avec énormément de choses à prendre en main. Mes journées commencent à 6 heures du matin, elles se terminent à minuit, mais c’est bien dans la continuité de ce que j’ai toujours fait. Je n’ai jamais rechigné au travail, c’est dans ma nature. J’ai toujours estimé que la vraie légitimité était dans le sérieux du travail.

Càd : Quels sont les dossiers prioritaires ?
A.G. : Il y a en ce moment en France des territoires qui souffrent beaucoup. Toute l’agriculture française n’est pas forcément à l’image de la filière comté, loin de là. Ma priorité immédiate est donc de répondre aux territoires touchés par la fièvre catarrhale ovine et par la fièvre hémorragique. Je me devrai d’apporter des premières réponses à ces filières à l’équilibre économique très fragile, j’ai prévu de le faire à l’occasion de ma venue au Sommet de l’élevage à Cournon en ce début du mois d’octobre. L’autre actualité compliquée, c’est celle des récoltes de blé et des récoltes maraîchères qui ont subi des déficits en eau dans le Sud pour les secondes, et un trop-plein d’eau dans le Nord pour les premières, avec des rendements en chute libre. Il faudra là aussi apporter des réponses rapides. Je n’oublie évidemment pas la colère du monde agricole qui s’est manifestée en début d’année et qui n’a pas obtenu toutes les réponses à ses inquiétudes. Il y a encore beaucoup d’attentes d’autant que cette parenthèse de trois mois depuis la dissolution avait congelé l’action du gouvernement. En parallèle, je prévois de rencontrer dès les prochains jours l’ensemble des syndicats agricoles.

Càd : À ce propos, certains vous accusent déjà d’être le futur “passe-plat” de la F.N.S.E.A. Que leur répondez-vous ?
A.G. : Je recevrai les quatre syndicats avec la même attention. Je n’attache pas beaucoup d’importance à ces préjugés et ces propos qui ne reposent pas sur grand-chose, je ne tomberai pas dans les petites phrases. Ceux qui me connaissent savent très bien que je ne fonctionne pas comme ça.

Càd : Le sujet du loup, notamment dans le massif du Jura, préoccupe au plus haut point les éleveurs. Que pouvez-vous en dire pour l’instant ?
A.G. : Ce sujet capital est en ce moment au cœur des discussions européennes. Ce dossier appartient aux États membres et la Commission a demandé un affaiblissement du niveau de protection du loup. Même s’il faut toujours la protéger, cette espèce n’est plus, à mon sens, totalement menacée. Personne ne demandera l’éradication du loup, évidemment ! Mais il faut désormais rendre sa protection compatible avec les activités d’élevage. C’est une espèce qui menace clairement l’avenir du pastoralisme, il faudra savoir faire bouger la législation sur le sujet.

Càd : Sur le plan plus politique, comment imaginer que ce gouvernement pourra travailler sereinement et dans la durée, avec des profils si différents ?
A.G. : J’en appelle clairement au sens des responsabilités de chacun. Ceux qui se livrent à des petits jeux politiques inutiles ne feront que renforcer le dégoût des Français vis-à-vis de la politique. Il faut revenir à l’essentiel. Les petites phrases, les règlements de compte, personnellement, je ferai tout pour qu’il n’y en ait pas. Le moment est assez grave pour que tout le monde ne se mette pas au travail.

Càd : Reviendrez-vous souvent dans le Haut-Doubs dont vous avez vanté les attraits lors de la passation de pouvoir ?
A.G. : Forcément, j’y serai moins présente. Mais j’y reviendrai chaque fois que l’occasion se présentera, c’est aussi essentiel pour moi.


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