Le Crédit Agricole Franche-Comté a présenté ses comptes annuels 2023. Dans un contexte économique tendu, la caisse régionale s’en sort bien. Les éclairages de Franck Bertrand, son directeur général.
La Presse Pontissalienne : Vous venez de présenter les résultats 2023 du Crédit Agricole Franche-Comté avec un bénéfice de 69,3 millions d’euros, presque aussi bon qu’en 2022. On aurait pu s’attendre à un fort recul de ce résultat au vu de la conjoncture 2023. Comment expliquez-vous ce bon chiffre ?
Franck Bertrand : Il est vrai qu’on a vécu une année 2023 exceptionnelle compte tenu de l’impact sur l’économie de plusieurs facteurs internationaux, de la montée des prix, et de celle des taux d’intérêt qui ont grimpé de 4 %. Cette hausse a eu un effet direct sur l’augmentation de nos coûts de refinancement et sur le prix à payer pour l’épargne de nos clients, en hausse également. Le résultat pour nous est une augmentation de nos charges de près de 42 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Malgré tout, on a réussi en effet à maintenir de bons résultats grâce à plusieurs facteurs. Le groupe Crédit Agricole d’abord a fait un très bon exercice et nous en avons bénéficié. La partie assurances a également contribué à augmenter notre résultat. Et enfin la maîtrise de nos charges. Si notre chiffre d’affaires global, à cause de ce ralentissement économique a baissé de 10 % et notre excédent brut d’exploitation de près de 30 %, le résultat net a pu se maintenir à ce niveau très satisfaisant vu le contexte.
L.P.P. : Confirmez-vous le véritable écroulement de l’activité immobilière en 2023 ?
F.B. : On peut en effet parler d’écroulement avec une baisse de plus de 40 % de la production de crédits habitat à l’échelle de la région. Cette baisse n’est évidemment pas liée à une modification de notre stratégie, nous n’avons fait que subir les contraintes imposées par le haut conseil de stabilité financière (H.C.S.F.) ainsi que le taux d’usure que nous n’avions pas le droit de dépasser. La hausse brutale des taux (dix augmentations consécutives de la B.C.E.) explique évidemment aussi cette baisse. Dans ce contexte, nous n’avons pour autant jamais modifié notre stratégie d’accompagnement de nos clients.
L.P.P. : Comment s’annonce la suite sur ce volet immobilier ?
F.B. : Il y a toujours un grand attentisme de la part des clients potentiels. On est dans une période dans laquelle le client doit se réhabituer à des taux plus hauts que les années précédentes, mais il faudra encore du temps à ce qu’ils s’y habituent. Et deuxièmement, dans ce contexte calme, les clients attendent en parallèle que les prix baissent. D’où l’atonie du marché. Les taux devraient se stabiliser sur les années 2024 et 2025, et on peut penser que le marché de l’immobilier repartira d’ici 2026. Une chose est quasiment sûre : on ne retrouvera jamais les niveaux de prêts tels qu’on en a connu les années précédentes. Nous continuerons de toute façon à accompagner tous les projets.
L.P.P. : Lors de la présentation de votre bilan 2023, vous avez aussi réaffirmé que le Crédit Agricole Franche-Comté continuerait en 2024 à soutenir les forces vives du territoire. Concrètement, comment cela se traduit-il ?
F.B. : C’est justement grâce à ce bon résultat annuel qui nous permet de conforter nos fonds propres que nous pouvons continuer à investir sur le territoire et accompagner les structures, associatives, sportives, culturelles ou autres qui animent la Franche-Comté. En 2023, notre caisse régionale a ainsi reversé plus de 2,4 millions à ces structures à travers différentes opérations de partenariat. Cette somme est assez équitablement répartie entre le soutien au développement local, l’environnement et l’agriculture, le sport, la solidarité internationale, le tourisme et le patrimoine, ou encore la culture.
L.P.B. : Les banques sont de plus en plus scrutées par les citoyens concernant leur financement des activités polluantes (énergies fossiles, etc.). Comment le Crédit Agricole se positionne-t-il sur cette question ?
F.B. : Le Crédit Agricole a d’abord été le premier groupe bancaire à s’engager dans des objectifs précis en termes de diminution de ses émissions carbone. Mais nos émissions ne concernent que 2 % du total, les 98 % restants concernent nos investissements dans différents pans de l’économie. Et sur ce point, nous avons des trajectoires précises de diminution des émissions en accompagnant les filières dans lesquelles nous investissons. Nous sommes actuellement en plein dans cette transition entre le soutien aux énergies fossiles et celui dirigé vers les énergies renouvelables. Bien sûr, tout ne peut se faire du jour au lendemain mais nous sommes sur la bonne trajectoire. Sur le plan régional cette fois, au sein de la direction “entreprises”, nous avons un pôle transition spécifique. Dans notre direction “particuliers”, une douzaine de spécialistes ont été recrutés pour accompagner par exemple la rénovation énergétique des logements de nos clients particuliers. Nous organisons les 4 et 5 juin, nos journées de la transition énergétique qui ont lieu cette année à Belfort et à Dole. Cette question de la transition environnementale est au cœur de nos préoccupations.
L.P.B. : Avec la baisse de fréquentation en agences et la hausse de la banque en ligne, conserverez-vous toujours vos 123 agences locales, y compris en secteur très rural ?
F.B. : Nous sommes désormais intimement persuadés que l’avenir est à la banque “phygitale”, c’est-à-dire autant physique que digitale. Cela ne veut pas dire que dans dix ans nous aurons autant d’agences qu’aujourd’hui car en effet, les clients fréquentent beaucoup moins qu’avant les agences. Notre A.D.N. est d’être présents partout dans les secteurs ruraux. Peut-être qu’en milieu plus urbain, avoir deux agences à 3 km de distance ne sera pas toujours aussi pertinent qu’avant. Nous ne nous interdisons donc pas la réflexion, le sujet est ouvert. Sur ce dossier comme sur d’autres, c’est le bon sens qui primera.