Depuis 2018, Besançon abrite la dernière manufacture de globes terrestres et célestes. Née du talent et de la volonté d’Alain Sauter, géographe de métier, l’entreprise a redonné ses lettres de noblesse à cet artisanat d’art presque disparu.
C’est une entreprise qui reste discrète, mais qui fourmille pourtant de talents, rares et précieux. La manufacture Globe Sauter, née dans la cité comtoise, et qui ne compte pas sauter dans une autre ville, a ressuscité l’art de fabriquer des globes, à l’ancienne.
L’histoire commence en 2016. Alain Sauter, professeur de géographie à la Sorbonne, s’essaie à construire un globe. Peu ou prou de littérature existe autour de la fabrication de ce type d’objet. Le géographe s’inspire alors des modes de fabrication décrits dans les encyclopédies. Pendant un an, il tâtonne tout seul dans son garage avant de réussir à fabriquer un globe terrestre. En 2018, il quitte tout et fonde son entreprise, qui sera mise en pleine lumière un an plus tard grâce à un reportage dans la Maison France 5.
Chaque geste, chaque outil, chaque carte, chaque couleur proposée a été inventée par Alain Sauter. Première étape : la fabrication de globes en staff, mélange de plâtre et de fibre, ici de la jute. “La fibre permet de solidifier et alléger l’ensemble. Très vite, il y a eu une idée très forte : je voulais des globes les plus durables possibles dans les deux sens du terme, c’est-à-dire qu’ils puissent traverser les générations et être solides et réparables par un artisan d’art, avec un impact carbone le plus bas possible”, explique Alain.
Globe Sauter est totalement autonome et fabrique tous ses produits avec du chêne du Jura. Elle compte six personnes dont un menuisier ébéniste qui répare les socles (la plupart sont en bois) et les outils. “Tout a été très dur, convient le géographe. Réaliser une sphère est très complexe, cela demande de la précision, avec un outillage que je n’avais pas à l’époque.” Le plâtre permet d’avoir un rond et une surface lisse. L’étape de finition consiste à enlever les aspérités.
La deuxième étape vise à coller les bandes de papier représentant la carte. Celles-ci sont découpées à la main. Le papier de 80 grammes, très fragile et très fin, nécessite minutie et rigueur. Il faut environ un an et demi de formation pour acquérir tous les gestes. “Ce type de papier est trempé dans l’eau et il ne bouge pas en largeur mais prend 1 à 2 centimètres en longueur”, éclaire Cécile, concentrée sur le globe sur lequel elle travaille. Une colle à l’amidon est utilisée. Alain Sauter a également créé une carte pour chaque taille de globe (soit quatre). Elle peut être personnalisée et Besançon y est toujours inscrite. “Une carte juste n’existe pas. Il y a forcément un parti pris, forcément une réduction de la réalité. Aujourd’hui, le globe n’a plus la même utilité. Pour moi, il doit retrouver sa fonction première de faire rêver. L’idée était donc une frugale quantité d’informations et de laisser la part belle sur les continents, les cours d’eau”, remarque Alain.
Le visuel est travaillé à l’aquarelle. La palette de dix couleurs avec lesquelles il est possible de colorier un globe raconte elle aussi une histoire. Chaque couleur est une référence à un lieu visité par Alain Sauter, “là où il a ressenti l’essence des couleurs. Un certificat d’authenticité avec les pigments utilisés est délivré en cas de restauration future”, explique Sarah, chargée de l’administratif dans l’entreprise.
Outre des globes terrestres, la manufacture fabrique aussi des globes de la lune et des globes célestes. Ces derniers sont des interprétations des constellations et permettent d’arrêter le temps pour célébrer une date en particulier, comme une naissance par exemple. Une centaine de globes est fabriquée par an dans les locaux rue du Cercle. Face à la demande, la manufacture cherche un autre local bisontin, plus grand. À bon entendeur…
En attendant, cet artisanat d’art, peu répandu dans le monde, est à découvrir lors de visites organisées. Le monde s’offre au regard depuis Globe Sauter.