En reconnaissance de ses travaux d’historien, d’enseignant et d’élu engagé, le Bisontin a reçu le trophée de la laïcité. À 88 ans, il n’a rien perdu de son acuité pour mettre en perspective l’histoire avec l’actualité.
Ceux qui ne l’aiment pas l’accusent de ressasser un passé révolu. Ceux-là n’ont pas compris que c’est en maîtrisant les détails de l’Histoire, celle avec un grand H, que l’on comprend mieux le présent et que l’on peut sans doute mieux préparer l’avenir. Dans ces temps politiques troublés, la culture historique de Joseph Pinard pourrait être bien utile à certains qui semblent souffrir d’amnésie…
Ironie de l’histoire, c’est le jour où Léon Blum, l’inventeur du - vrai - Front populaire, lance sa campagne électorale, que naît Joseph Pinard le 7 avril 1936, à Fontain, dans une famille catholique. En 1939, son père artisan meurt, laissant sa femme seule avec 4 enfants. C’est à l’école publique que le jeune Joseph aiguisera son esprit républicain. “À l’école primaire, on m’avait confié la surveillance de la bibliothèque. Elle a tout de suite été pour moi la plus belle salle de l’école”, dit-il aujourd’hui.
Lui qui affirme aujourd’hui encore avoir été “sauvé par l’école de la République”, poursuivra au collège, puis le Bac de philosophie en 1954, avant d’intégrer l’école normale supérieure de Saint-Cloud après une année de préparation. Il en sortira agrégé d’histoire. Retour à Besançon où le jeune enseignant sera professeur à l’école normale de Besançon, celle qui formait les instituteurs, entre 1959 et 1964, avant de prendre la direction de l’I.U.F.M. de Besançon.
Héritier d’une gauche sociale, rurale et catholique, Joseph Pinard fera ses armes au sein de l’Action catholique, puis de syndicats chrétiens, avant d’épouser les idées du Parti socialiste au début des années soixante-dix. Un parti grâce auquel il connaîtra les premiers frissons de la vie politique en étant élu pour la première fois en tant que conseiller général de Besançon en 1973. Le Bisontin se reconnaît aisément dans les personnages qui ont façonné la gauche française, de Jean Zay, ministre de Blum, à Pierre Mendès-France.
C’est en tant que député du Doubs, porté par la vague rose de 1981, que Joseph Pinard s’est forgé un destin national. En première ligne dans la féroce bataille de la laïcité au moment où le ministre Alain Savary portait sa réforme de l’école, époque de la grande mobilisation de la droite pour sauver l’école privée. “Cette période a été un de mes plus douloureux souvenirs, surtout ce jour où j’ai dû défendre le texte devant une Assemblée nationale particulièrement hostile. C’était le 22 mai 1984…” se souvient-il aujourd’hui. À tel point que, avoue-t-il aujourd’hui, “j’avais fait une dépression à cette période.”
Localement, Joseph Pinard aura également été un pilier de la majorité municipale aux côtés de Robert Schwint pour ses quatre mandats successifs entre 1977 et 2001.
Joseph Pinard est aussi, et peut-être avant tout, un homme de lettres et d’histoire. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il fait partie de l’Association du livre et des auteurs comtois (A.L.A.C.), il a été président de l’association Folklore comtois et a fondé et présidé l’association des Amis du monument de la Libération. Les questions de laïcité ont d’ailleurs irrigué la plupart des ouvrages qu’il a écrits, notamment ses Chapitres d’histoire de l’école en Franche-Comté, de Jules Ferry à la Vème République (2001) au plus récent Laïcité et Fraternité paru en 2016.
Marie-Guite Dufay, présente fin mai pour la remise de ce trophée de la laïcité décerné par l’Observatoire régional de la laïcité de Bourgogne-Franche-Comté, qualifie Joseph Pinard de “défenseur infatigable de la laïcité. Il a consacré sa vie entière à la recherche. L’humanisme, le sens de la justice, la lutte contre toute forme d’extrémisme, sont pour lui des fils rouges, et autant de leçons pour nous” commente la présidente de Région.
L’ancien enfant de chœur de Fontain a réussi à faire l’amalgame au cours de sa vie entre une laïcité à toute épreuve et un catholicisme discret, entre République et Église, comprenant vite que l’un ne doit en aucun cas se mêler de l’autre. Sans doute la meilleure manière de voir les incompréhensions tomber, les relations conflictuelles reculer, ce lien intime entre fraternité et laïcité qu’il a, à la manière d’une araignée méticuleuse, mis toute sa vie à tenter de tisser. En cela, Joseph Pinard aurait bien des leçons à donner à tous ceux qui en ce moment, en ces périodes électorales troublées, maltraitent ces principes, aveuglés qu’ils sont par de funestes idéologies, à l’extrême droite comme à l’extrême gauche.