La députée mortuacienne Annie Genevard vient de boucler une mission d’information sur l’apprentissage de la lecture. Le niveau des élèves entrant au collège n’a jamais été aussi bas.
C'est à dire : Les résultats de plusieurs enquêtes officielles font état d’un nouveau recul des performances des élèves français en matière de lecture. Inquiétant ?
Annie Genevard : C’est justement parce que je vois bien que cette question n’avance pas depuis des années que j’ai demandé à l’Assemblée de mener cette mission d’information. Ce sujet ne peut pas rester comme cela sans qu’on le traite vraiment. Près de la moitié des élèves qui arrivent en 6ème n’ont pas le niveau requis en lecture. Cette question de l’apprentissage de la lecture est un scandale d’État. Non seulement le niveau ne progresse pas, mais il y a une dégradation au fur et à mesure des évaluations. Sur cette question, on ne met pas en œuvre la bonne stratégie.
Càd : Des mesures ont pourtant été prises comme le dédoublement des classes. C’est encore insuffisant ?
A.G. : Il faut prendre des mesures radicalement différentes. On peut affirmer que les résultats du dédoublement des classes ne sont pas au rendez-vous d’autant que cette mesure ne concerne qu’une minorité de classes, celles en zones d’éducation prioritaire. Et ce dédoublement supposerait une pédagogie adaptée à laquelle les professeurs n’ont pas été formés. Il faut aller beaucoup plus loin.
Càd : Dans votre rapport co-écrit avec votre collègue Renaissance Fabrice Le Vigoureux, vous préconisez 35 mesures. Quelles sont les priorités absolues selon vous ?
A.G. : Il faut commencer par mieux former les enseignants à l’apprentissage de la lecture. Ce sont les jeunes professeurs eux-mêmes qui sont demandeurs d’une formation plus professionnalisante sur cette question. L’apprentissage de la lecture est noyé dans l’apprentissage du français alors qu’il faudrait un enseignement spécifique. Autre priorité : la méthode utilisée n’est pas la bonne. On sait pertinemment, et les scientifiques l’ont encore prouvé, que la méthode syllabique est la plus efficace. Les enseignants ont utilisé un temps la méthode globale, qui a fait des ravages chez les élèves fragiles. Puis ils se sont mis à pratiquer une méthode mixte entre les deux, et on soumet ainsi l’enfant à des stratégies qui se concurrencent. Il faut une méthode syllabique basique, basée sur des textes simples et déchiffrables. Il faut mettre la priorité au décodage en C.P. avec des supports adaptés et des temps distincts, et à un rythme soutenu pour que l’élève ne s’ennuie pas non plus. Et l’apprentissage de la syntaxe, de la grammaire, du vocabulaire, doit se faire sur d’autres supports et à d’autres moments de la semaine.
Càd : D’autres priorités ?
A.G. : Il faut réhabiliter le livre-objet dans notre société. Les temps de lecture partagés avec les parents, c’est capital. Il faut aussi renforcer les bibliothèques dans les écoles, certains élèves ne voient jamais aucun livre à la maison. Et les études les unes après les autres démontrent que le numérique perturbe les apprentissages. Une autre priorité, ce sont les manuels scolaires. Dans certaines écoles, il y a des vrais manuels, dans d’autres pas du tout, certaines ont des manuels récents, d’autres non. Il faut impérativement uniformiser et labelliser les manuels de lecture. Nous avons aussi des préconisations pour les enfants allophones, qui parlent une autre langue maternelle, en incitant les parents à apprendre eux-mêmes la langue française et à leur ouvrir l’école.
Càd : Comme d’autres missions d’information, ne craignez-vous pas que celle-ci tombe aux oubliettes ?
A.G. : Non, je sais que le Premier ministre partage ces préoccupations. Et ce rapport parlementaire a déjà eu une traduction concrète puisque le gouvernement s’est engagé à ce que les manuels soient labellisés par une commission indépendante composée d’enseignants et de scientifiques. La question de la formation des enseignants, c’est également dans les tuyaux. Je pense qu’on a été entendus et on sera bien présents pour suivre cette question de très près. Cela fait des années que je me bats sur ces questions, c’est ma grande priorité. C’est un devoir absolu pour le système éducatif français d’être meilleur dans l’apprentissage de la langue française.