Depuis près de 15 ans, il arpente les rivières comtoises et les observe se détériorer au fil des années. Garde-pêche sur la Franco-suisse, Patrice Malavaux ne cesse d’alerter sur les pollutions des rivières comtoises. Cette sentinelle a le monde aquatique chevillé au corps depuis tout jeune.

Si la nature et les bords de rivières sont son territoire privilégié, Patrice Malavaux a grandi dans un milieu urbain à Besançon. Passionné depuis presque toujours par la pêche, les milieux aquatiques et naturels, le jeune Patrice se dirige pourtant à la Fac de sciences humaines. Mais plusieurs déclics le font changer d’études. “J’ai vu sur un ruisseau de truites des motos remonter le cours d’eau, j’ai assisté à des actes de braconnage. À 20 ans, je voyais que ça partait en cacahuète dans les rivières, il fallait que je travaille là-dedans, trop de choses ne me convenaient pas.”

Patrice Malavaux, garde-pêche et amoureux de la nature…

Patrice quitte alors l’Université pour un Bac pro en aquaculture à Valdoie, suivi d’un B.T.S. à Annecy en lycée agricole. “Quand on m’accuse d’agri-bashing, ça me fait doucement rire, j’ai fait des études agricoles.” C’était en 2004. Pendant trois ans, en apprentissage en plantes aquatiques, il sera responsable d’une baignade naturelle touristique en Haute-Savoie. À la fin de ses études, il devient en 2007 garde-pêche de l’association de pêche la Franco-suisse. “Comme garde-pêche, je suis carrément un O.V.N.I., sourit-il. Au niveau départemental, je suis le seul à être salarié d’une association.”

…et son double dessiné dans le reportage B.D. Leur temps est Comté sur la pollution des rivières comtoises.

Si ses missions premières étaient d’être au contact des pêcheurs, de surveiller la pratique de la pêche, de sensibiliser, d’être une “sentinelle des rivières” comme Patrice Malavaux se définit, son métier a changé pour se transformer en défenseur des cours d’eau et lanceur d’alerte face aux pollutions. Son premier combat, il a d’ailleurs été le premier à lancer l’alerte, a été celui du barrage du Châtelot. “À l’époque, on pensait que les barrages allaient tuer la rivière. On s’est rendu compte que la faune aquatique ne pouvait pas vivre avec les variations de niveaux, ça ruinait tout l’écosystème à sa base.”

Finalement, en 2016, la D.R.E.A.L. a été convaincue de renouveler le règlement d’eau différemment. “Le débit minimal a été relevé, la baisse du débit a été pondérée de façon à ce que la faune aquatique ait le temps de se retirer progressivement.” Pour autant, le constat est dur : “On s’est rendu compte que la problématique de l’eau se fait de plus en plus forte.”

La grosse mortalité piscicole de 2011 dans la Loue a été un gros choc à encaisser pour le garde-pêche. Il s’engage dans le collectif S.O.S. Loue et rivières comtoises créé à ce moment-là. “On a vite compris qu’on avait franchi une étape de plus dans le phénomène de décrépitude des rivières. On ne fait que franchir des caps supplémentaires, c’est le dernier cap avant la mort de la rivière, c’est le dernier fusible avant nous parce qu’on boit l’eau de la rivière”, souligne Patrice Malavaux, pessimiste.

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En 2014, il s’investit dans le collectif Doubs-Dessoubre. Déjà à l’époque en opposition avec le monde agricole sur l’origine des pollutions, le collectif s’intéresse aussi à l’assainissement. Problématique il y a dix ans, depuis, de gros efforts ont été fournis. “Sauf que l’état des rivières continue de se dégrader. L’assainissement pollue sur des points précis, l’agriculture, c’est sur l’ensemble du bassin-versant.”

S’il avoue craindre pour son emploi et se sentir gagné par le découragement - “à la base, si je fais ce métier, ce n’est pas pour ramasser des poissons crevés” -, il n’envisage pas d’arrêter son rôle de sentinelle. Et ce malgré une violente agression en 2018 qui l’a meurtri, physiquement et moralement. “Je suis régulièrement pris à partie, notamment par le monde agricole. Mais l’étude Nutri-karst à laquelle participe la Chambre d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort a montré que 90 % des pollutions des rivières karstiques étaient d’origine agricole. Elle n’est pas réjouissante cette étude, même si des choses s’améliorent au niveau agricole. C’est aussi lié au changement climatique.”

Dernièrement, Patrice Malavaux a joué le rôle de personnage de bande dessinée dans le reportage sur la pollution des rivières du journaliste Martin Delacoux et de Valentine De Lussy, Leur temps est Comté, paru dans la Revue dessinée et le hors-série sur l’eau de la Salamandre. Une autre manière de refléter le problème des rivières comtoises, une mise en lumière nationale qui permet de ne pas noyer le poisson. La sentinelle continue de veiller.


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