La production sera fortement réduite
-20% pour le comté, - 50% pour le morbier et davantage encore pour le bleu de Gex. Face à la situation, les 3 AOP ont décidé d'un commun accord de réduire de 8% la production jusqu'en juin.
"On constate une baisse très nette sur le comté depuis 15 jours", note Alain Mathieu, le président du CIGC. Plusieurs raisons à cela : arrêt de la restauration hors foyer, export fortement ralenti, coup de frein sur le réseau de distribution traditionnel, rayon à la coupe délaissé par les consommateurs voire carrément fermé. "La baisse est compensée en partie mais pas totalement par une hausse des ventes de comté pré-emballé." Le constat est sans appel.
Le choc est encore plus violent pour le morbier comme le déplore Joël Alpy, le président de l'AOP. "Chaque semaine, on essaie de dresser une photographie du niveau de la collecte, de l'état du marché. Depuis 15 jours, on est à 50% de vente en moins. On compte sur la réouverture des marchés et des rayons à la coupe pour arrêter l'hémorragie."
La situation est encore plus préoccupante pour le bleu de Gex où le compteur des ventes est pratiquement à l'arrêt. Les différences avec le comté s'expliquent pour des positionnements commerciaux plus axés sur les réseaux traditionnels pour le morbier et le bleu de Gex.
La dernière AOC comtoise, à savoir le mont d'or, limite la casse car la fabrication arrivait à son terme au début du confinement. Quoiqu'il en soit, d'une AOC à l'autre, on retrouve souvent les mêmes producteurs, sachant que la plupart font du comté.
Cette baisse des ventes arrive au moment de la mise à l'herbe qui annonce le début d'une nouvelle campagne laitière avec une croissance de production jusqu'à la fin de l'été.
Si le comté offre l'avantage de pouvoir se conserver, encore faut-il avoir suffisamment de place en cave. "Il y aura moins de sorties de fromages. Cela va permettre de préserver l'équilibre de la filière en ne déstructurant pas les marchés à moyen et long terme. Pas question de remettre en cause en effet la promesse d'un produit d'excellence."
Les filières ont décidé à l'unanimité d'écrêter une partie de la production, à hauteur de 8% sur un trimestre. "Le message est clair : anticipation et prudence face aux incertitudes qui planent sur l'évolution des marchés. Les producteurs doivent entendre le message. C'est un sacrifice, un effort imposé et nécessaire pour que les consommateurs continuent à nous faire confiance", justifie Joël Alpy. Le morbier, c'est aujourd'hui 1 800 à 1 900 producteurs, 45 ateliers dont 6 fermiers et une production annuelle de 11 000 tonnes. "On a aussi demandé à l'INAO de pouvoir prolonger la durée d'affinage des morbiers qui n'ont pas encore été mis en marché."
La filière comté va devoir, elle, trouver des solutions pour adapter sa capacité de stockage. Elle mise sur une gestion collective des caves pour répondre aux besoins des uns et de autres. Les bases même de la coopération qui a fait sa réussite.
Tous les ateliers de transformation sont en service même si quelques fromagers sont confinés chez eux après avoir contracté le virus. Les conditions de travail sont plus compliquées avec le respect des mesures de protection pas toujours faciles à appliquer. Dans les exploitations, les producteurs vont devoir agir au niveau du cheptel pour limiter le remplissage du tank à lait. Réduction des concentrés, prolongement de la durée de tarissement, anticipation des mises en réforme : les solutions ne manquent pas.
"Cette crise aura des incidences économiques. Cet écrêtement est contre nature mais il s'inscrit dans une situation sanitaire et économique castrastrophique à l'échelle planétaire", estime Alain Mathieu.