Récit d'un confinement avant l'heure

La direction du Centre de long séjour Bellevaux et de l'EHPAD d'Avanne a imposé avant les autres le confinement. Le directeur évoque la gestion de crise, entre les craintes du personnel et le besoin d'humanité des résidents.

Le centre de long séjour Bellevaux, à Besançon.

La Presse du Doubs : Comme de nombreux établissements, le Centre de long séjour de Bellevaux et l'EHPAD Jcques-Weinman d'Avanne sont touchés par des décès de résidents liés au Covid-19, à un nombre toutefois moins élevé que d'autres. Est-ce dû au confinement imposé dès le 6 mars ? Comment cela a-t-il été perçu ?‌‌
Laurent Mouterde (directeur du Centre de long séjour de Bellevaux, de l'EHPAD d'Avanne et du centre de soins des Tilleroyes) : Environ 15% de notre personnel est suspect Covid-19 ou Covid avéré (NDLR : 322 agents travaillent à Bellevaux, 200 aux Tilleroyes, 310 à Avanne-Aveney). Nous avons connu des décès liés à l'épidémie. Effectivement, nous avons instauré le confinement dès le 6 mars dans nos établissements... ce qui à l'époque n'a pas été compris par les familles. J'ai eu de nombreux messages de familles qui critiquaient ma décision alors que l'ARS rappelait la dangerosité. Aujourd'hui, ces familles me remercient et m'écrivent.‌‌

L'Agence régionale de santé annonce un renfort pour les EHPAD, notamment en moyens humains. Comment gérez-vous les absences ?‌‌
LM : J'ai reçu le renfort de mes élèves soignants qui ne sont plus en formation. Ce sont 15 personnes supplémentaires. J'ai également fait appel à l'intérim, ça fonctionne. Pôle Emploi vient de m'envoyer un fichier avec des demandeurs d'emploi qui ont des formations dans notre domaine.

Avez-vous réduit certains services faute de personnel ?‌‌
LM : C'est le cas du service "soins infirmiers à domicile" dont 25% des professionnels ont été touchés. Nous avons dû nous concentrer sur les cas les plus lourds à domicile. Au lieu de 10 tournées à domicile, nous en réalisons 5.

"25% du personnel de soins infirmiers à domicile ont été touchés", indique le directeur

Arrivez-vous à protéger votre personnel ?‌‌
LM : Nous avons le matériel avec des masques chirurgicaux à raison de deux par horaire (4 heures) et par personne, et également des masques FFP2. J'entends les soignants qui ont peur, qui voudraient davantage de masques. On explique. Le port du masque FFP2 est obligatoire pour tous les soins invasifs et les soins d’oxygénothérapie.‌‌‌‌

L'ARS annonce un dépistage massif dans les maisons de retraite. Votre avis.‌‌
LM : Il y a toujours eu deux tests par service chez les résidents suspects, et pour le personnel soignant, le dépistage est automatique... À Avanne ou à Bellevaux, il n'y a pas de nécessité de tester tous les résidents car je n'aurai pas la possibilité de créer un espace de quarantaine Covid. Je ne peux par exemple pas déménager les chambres des résidents, leur mobilier. En revanche, je peux le faire aux Tilleroyes.

En cas de décès d'un résident, comment garder l'humanité ?‌‌
LM : Un patient est décédé (pas du Covid). Nous avons pu permettre à la famille de le voir. En revanche, des familles me demandent de connaître le nombre de décès : je ne donne pas de chiffres, nous ne sommes pas dans un magasin !

"On garde une humanité."

Comment assurer le lien entre résidents et familles ?
LM : Toutes les semaines, on adresse un bulletin d'information aux familles. On permet aux résidents, avec des tablettes, d'être en visioconférence avec leur famille. Nous avons réceptionné 280 mails (messages, demandes, photos, etc.), organisé 80 rendez-vous Skype et plus de 220 appels des familles à destination des résidents. On garde une humanité.

Que craignez-vous le plus ?
LM : Le déconfinement. Les personnes pourront sortir mais les maisons de retraite seront sans doute accessibles plus tard. On attend également la vague dans les centres de soins de suite et de réadaptation car toutes les personnes qui ne pourront pas rentrer chez elles une fois guéries, devront être accueillies.

Propos recueillis par E.Ch


"Mon admiration et ma reconnaissance pour le personnel"

Président du CLS Bellevaux, le conseiller départemental Philippe Gonon leur adresse un message.

Philippe Gonon, ici avec des résidents, est président du CLS Bellevaux. (photo archive)

Au nom du conseil de surveillance, "je ne peux que féliciter la direction et tous les soignants de Bellevaux d'avoir pris, dès le 6 mars, les mesures adéquates et notamment le confinement total. Je tiens également à manifester admiration et reconnaissance pour les risques pris par l'ensemble du personnel pour assurer la sécurité et le traitement de nos résidents. Cette épidémie, même si elle est loin d'être terminée, a montré la qualité et le professionnalisme du personnel de cet EHPAD qui a œuvré dans des conditions extrêmement difficiles, tant psychologiquement que matériellement."

La présidente du Doubs va faire des annonces

Interrogé en tant que vice-président du Département du Doubs en charge des finances sur une potentielle enveloppe budgétaire que la collectivité pourrait mettre à profit des maisons de retraite, l'élu a indiqué que Christine Bouquin, la présidente, devrait communiquer dans les jours à venir "sur un grand plan de sortie de crise."