Cinquante ans après l’adoption de la loi Veil, alors que le droit à l’avortement a été inscrit dans la constitution française, ils n’ont pas perdu leur combativité, leur militantisme. Encore moins leurs souvenirs. Gaby Viennet et Françoise Gayet, des anciens du M.L.A.C. (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) se replongent dans leurs souvenirs.

Humbles, ils n’ont pas l’impression d’avoir participé à la marche de l’Histoire, “je ne me donne pas autant d’importance”, sourit Gaby Viennet. Pourtant, leur combat à l’échelle bisontine a aidé de nombreuses femmes et a contribué à poser une pierre à l’édifice consolidé par Simone Veil le 17 janvier 1975 avec l’adoption de la loi légalisant l’avortement.

Gaby Viennet et Françoise Gayet, deux anciens militants du M.L.A.C. de Besançon.

Printemps 1973 : Françoise Gayet et Gaby Viennet sont alors étudiants en médecine. Françoise est mariée, déjà maman et enceinte de son deuxième enfant. Plusieurs événements dans l’actualité déclenchent leur envie de s’engager. D’abord Mai-68 puis le procès de Bobigny en 1972 lors duquel l’avocate Gisèle Halimi réussit à faire relaxer une jeune femme de 16 ans qui avait fait le choix d’avorter après un viol, le manifeste des 343, pétition signée par 343 femmes réclamant la légalisation de l’avortement suivie du manifeste des 331 médecins affirmant avoir pratiqué un avortement. “Ce qui me semblait primordial : les femmes doivent choisir le bonheur d’une grossesse. Quand elle est désirée, c’est vraiment du bonheur. Quand elle est non désirée, c’est terrible, ça change le parcours de vie. Ils ne s’en rendaient pas compte ces vieux cons, s’insurge encore aujourd’hui Françoise. Il fallait qu’on fasse quelque chose malgré les risques.”

À l’époque, Gaby a 23 ans, il passe sa thèse de médecine deux ans plus tard. “On craignait d’être découvert, on n’aurait jamais pu soutenir notre thèse.” Le jeune homme est convaincu par deux copines infirmières qui lui offrent un petit livre rouge “Libérons l’avortement”. En guise de dédicace, elles écrivent : “À l’avorteur de Besançon”. Une vingtaine de militants se rassemble alors et ouvre la permanence Groupe avortement Contraception (G.A.C.) rue Mégevand (qui deviendra le M.L.A.C.).

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Cette même année 1973, l’affaire Lip éclate. Elle joue un rôle important dans les actions du M.L.A.C. bisontin. “Des gens de toute la France venaient soutenir les ouvriers de Lip. On a rencontré deux personnes du groupe Information santé qui nous ont dit : si vous voulez que la loi change, il faut pratiquer vous-même l’avortement avec la méthode Karman (qui consiste à aspirer le contenu utérin, une méthode moins douloureuse pour la femme).” Françoise Gayet se forme à cette méthode et va pratiquer 120 avortements. “On n’avait pas de local, c’était chez une des femmes. Les hommes, on ne les voyait pas beaucoup. Très rarement, il y a eu des problèmes.” Devenue médecin généraliste à Planoise, Françoise a d’ailleurs suivi une dizaine de ces femmes pendant 35 ans…

“À l’époque, notre objectif était l’abrogation de la loi de 1920 qui criminalise l’avortement et non l’avortement comme solution universelle. On militait aussi pour la contraception, la prévention”, reprend Gaby Viennet. “Le C.I.C.S., centre d’information et de consultation sur la sexualité a été créé en 1975, il est toujours ouvert au centre Pierre-Bayle, c’est gratuit”, précise Françoise.

Après l’adoption de la loi Veil en 1975 en essai, puis adoptée définitivement en 1979, les interruptions volontaires de grossesses ne se pratiquaient pourtant pas au C.H.U. Le chef de service de gynécologie, rigoureusement contre, avait interdit tout avortement. Un centre d’I.V.G. décentralisé voit le jour sur le site de Saint-Jacques en 1975 et fermera dans les années 1990. À cette date, le centre réintègre le C.H.U. avec l’arrivée d’un nouveau chef de service en gynécologie. Aujourd’hui, d’autres problèmes surgissent comme une diminution du nombre de centres d’I.V.G., en lien avec la baisse des moyens hospitaliers.

Pour éviter que les souvenirs s’effacent ou se perdent, les anciens du M.L.A.C. de Besançon planchent sur l'écriture d’un livre qui retrace leurs combats.