À la tête d’une des principales entreprises de construction de la région (240 salariés), Patrick De Giorgi analyse le marché régional avec un brin d’optimisme dans un contexte où de plus petites entreprises traversent de grosses difficultés. Interview.
C'est à dire : Comment se porte le marché du gros œuvre dans la région ?
Patrick De Giorgi : Sur les secteurs où nous travaillons beaucoup comme Besançon, Dijon, Vesoul, Montbéliard ou encore le Jura, le gros œuvre n’est pas forcément très impacté par les difficultés actuelles dans le secteur du bâtiment. Il y a toujours des projets lancés par les collectivités locales ou les bailleurs sociaux, des donneurs d’ordres pour lesquels nous travaillons beaucoup. Je nuancerais le propos pour le Haut-Doubs, où il n’y a plus de gros chantiers pour le moment. Pour nos activités gros œuvre, nous avons même dû embaucher ces derniers mois, passant de 200 à 230 salariés. Nous sommes une entreprise de taille moyenne. Je sais aussi que certaines petites entreprises de maçonnerie ont beaucoup souffert ces derniers mois, tandis que les grands groupes comme Bouygues, Eiffage ou Vinci ont leurs carnets de commandes pleins. C’est donc un constat nuancé pour l’ensemble de la profession.
Càd : Le moral est donc au beau fixe dans toutes vos activités ?
P.D.G. : Alors non. Le marché de la maison individuelle, en revanche, s’est complètement effondré. Le volume d’affaires a fondu en deux ans. Il représente seulement 10 % de notre activité, donc nous pouvons le compenser aisément avec notre activité dans le gros œuvre. Mais globalement, ce marché de la maison individuelle est toujours en berne. Nous sentons tout de même un léger frémissement depuis quelques semaines. Il a suffi que les taux d’intérêt baissent un peu pour que les futurs acquéreurs réapparaissent. Plusieurs facteurs ont contribué à la chute de ce marché : le fameux taux d’usure des banques il y a un peu plus d’un an et la hausse des prix des matériaux.
Càd : Vous avez également une activité "promotion". Comment se porte-t-elle ?
P.D.G. : La promotion représente environ 15 % de notre chiffre d’affaires. C’est une activité qui se maintient à peu près bien, même si elle a enregistré une baisse. En promotion, nous avons beaucoup de clients qui n’ont pas besoin d’emprunter, car ce sont des personnes qui vendent leur maison pour venir en appartement. Donc, la question des taux bancaires a peu d’impact pour eux.
Càd : Quelle visibilité avez-vous ?
P.D.G. : Notre carnet de commandes dans le gros œuvre est plein pour une année, et nous avons environ 8 à 10 mois de visibilité, ce qui est plutôt bien dans le contexte actuel. Cela signifie que pour les six premiers mois de 2025, nous sommes à peu près tranquilles. Et même dans le secteur de la maison individuelle, nous percevons un début de frémissement sur la centaine de lots que nous avons en cours.
Càd : Qu’attendez-vous des mesures de relance annoncées par le nouveau gouvernement ?
P.D.G. : L’annonce faite par le gouvernement sur l’extension du prêt à taux zéro peut être très intéressante, surtout si elle n’est pas limitée aux primo-accédants.
Càd : Vous augmentez aussi votre rayon géographique d’action pour assurer un maintien de votre croissance ?
P.D.G. : Nous rayonnons à une centaine de kilomètres autour de Besançon. Nous sommes déjà allés du côté de Reims, mais il y a déjà beaucoup de choses à faire dans la région. Nous sommes en train de construire une tour de 10 étages à Quétigny, près de Dijon. Notre activité poursuit sa croissance, et notre chiffre d’affaires continue d’augmenter chaque année. Il est désormais à 60 millions d’euros.
Càd : Quels sont vos projets dans le Haut-Doubs ?
P.D.G. : Dans le secteur de la maison individuelle, nous avons plusieurs projets de lotissements : un à Doubs avec 25 lots, un autre aux Longevilles-Mont-d’Or avec une quinzaine de lots, et un autre d’une quinzaine de lots également à La Longeville dans le Saugeais. Nous attendons un permis de construire à Pontarlier avec une vingtaine de lots, et un autre projet est prévu à Mignovillard dans le Jura voisin.
Càd : Vous poursuivez votre croissance externe ?
P.D.G. : Nous avions repris il y a quelques années l’entreprise Invernizzi de La Cluse-et-Mijoux avec une trentaine de salariés. L’an dernier, nous avons racheté l’entreprise de T.P. Mesnier ainsi que l’entreprise Jeannin à Censeau (terrassement et carrières), ce qui nous a ouvert les portes du Jura, et l’entreprise de maçonnerie Vieille à Levier (spécialisée dans les bâtiments agricoles). Ce rachat d’entreprise est aussi une manière de maintenir l’emploi et de diversifier nos savoir-faire.