Quelle est la position des banques régionales dans le à une normalisation du marché” contexte actuel. Que peuvent-elles pour soutenir une timide reprise ? L’analyse d’Olivier Cassard, le spécialiste habitat à la direction “crédits et immobilier” du Crédit Agricole Franche-Comté.
C'est à dire : Est-ce que le marché de l’habitat donne quelques signes de reprise ? Peut-on toujours parler de crise de l'immobilier ?
Olivier Cassard : À l’échelle de la Région Franche-Comté, nous constatons une augmentation du nombre de sollicitations sur les projets habitat depuis cet été, mais nous restons encore prudents quant à sa pérennité pour plusieurs raisons. Sur le département du Doubs, la dynamique de la demande se concentre sur la zone frontalière (axe Mouthe-Damprichard) et sur le couloir Morteau-Grand Besançon, des secteurs appelés “zones tendues” où la demande reste supérieure à l’offre. Dans ces conditions, les prix de l’immobilier ne baissent pas, voire augmentent encore. Sur le reste de la région, le prix de l’immobilier ancien a amorcé une baisse, mais pas aussi significative que celle enregistrée en moyenne au niveau national entre 4 et 6 %. Et dans ce domaine, il reste à traiter le sujet des passoires énergétiques. La “crise de l’immobilier” est une réalité pour ce qui concerne la construction de maisons individuelles, le locatif neuf et, dans une moindre mesure, les appartements neufs, qui souffrent tous d’une baisse de la demande ou d’un volume d’offres insuffisant par rapport aux prix que peuvent mettre certains emprunteurs.
Càd : Quelle est l’évolution du volume de prêts habitat accordés par le C.A.F.C. ces trois dernières années ?
O.C. : Le Crédit Agricole Franche-Comté représente approximativement un tiers des parts de marché du crédit habitat sur le territoire franc-comtois. Les années euphoriques (2019 à 2022) où nous réalisions 1,3 milliard d’euros de crédits habitat sont derrière nous. Nous avons enregistré une baisse de 40 % des volumes accordés en 2023 et 2024 verra à nouveau une baisse de l’ordre de 10 %, même si nous connaissons un redressement depuis cet été. Nous revenons, quelque part, à une normalisation du marché où notre contribution tournera, bon an mal an, aux alentours de 900 millions d’euros de crédits habitat sur les années à venir.
Càd : La légère baisse des taux a-t-elle déjà des incidences à l'échelle régionale ?
O.C. : Sur la fin 2023, les taux moyens s’établissaient aux environs de 4,20 %, contre 3,50 % aujourd’hui. Pour un ménage qui gagne environ 4 000 euros mensuels, c’est une capacité de 15 000 euros d’emprunt supplémentaire par rapport à l’an dernier. Ce phénomène recrée de l’appétence aux projets immobiliers et l’augmentation des demandes constatées ces 3 derniers mois en est la conséquence.
Càd : Quelles sont les perspectives pour la fin d’année 2024 et pour l’année 2025 ?
O.C. : Dans le contexte actuel d’une inflation désormais contenue et d’une politique de taux plus accommodante voulue par la Banque Centrale Européenne, nos économistes prédisent une continuité dans la baisse des taux, qui pourraient descendre aux alentours des 3 % sur la fin de cette année et vraisemblablement se stabiliser sur le 1er semestre 2025. Cette capacité supplémentaire d’endettement est très bénéfique pour les particuliers qui hésitaient encore à concrétiser un projet et nous voyons déjà revenir un nombre important de primo-accédants. Cependant, en termes d’offres de biens, des difficultés demeurent. La construction de maisons individuelles reste en berne en raison de coûts très importants et d’un accompagnement des pouvoirs publics (Prêt à taux zéro) qui fait défaut depuis le début 2024. Le logement neuf collectif manque d’offres ou alors à des prix dissuasifs pour une catégorie d’emprunteurs et l’investissement locatif est tout simplement sinistré ! L’ancien se porte plutôt bien, mais la problématique du D.P.E. doit être traitée. C’est ici que les banques ont un vrai enjeu à accompagner les porteurs de projets sur l’ensemble de leurs démarches.
Càd : Quelles seraient les incidences des annonces gouvernementales (extension du P.T.Z., etc.) sur le marché de l’habitat ?
O.C. : À ce stade de notre niveau d’information, nous avons compris que le P.T.Z. existant permettant d’accompagner les projets d’acquisition d’ancien avec travaux et les projets de neuf en collectif (appartement en l’état futur d’achèvement) pourrait être généralisé à l’ensemble des territoires et c’est une bonne nouvelle pour la Franche-Comté. Cependant, le sujet de la construction des maisons individuelles, qui reste exclue actuellement du bénéfice du P.T.Z. et qui représentait un volume important des financements des banques franc-comtoises, demande à être précisé.
Càd : Quelles actions ou efforts déploie le C.A.F.C. pour tenter de reconquérir une clientèle plus importante ?
O.C. : Le crédit habitat reste un vecteur de conquête ou de fidélisation, c’est indéniable ! Un projet d’acquisition d’un bien immobilier est toujours un acte anxiogène, d’autant plus quand il s’agit du “projet d’une vie”. Les clients ont besoin d’être rassurés et d’avoir des points de repère tout au long de leur parcours, de la recherche du bien à la date d’entrée dans le logement, voire jusqu’au remboursement final du crédit. Nous travaillons à déployer un dispositif qui surmonte ces irritants afin de fluidifier et simplifier les démarches des clients. Poursuivre la digitalisation des processus est également un incontournable pour répondre aux attentes de nos clients. Ensuite, quand il ne s’agira plus que de traiter un sujet de taux, nous saurons le faire !
Càd : Les primo-accédants sont-ils toujours absents ?
O.C. : Dans les années “normales”, au Crédit Agricole Franche-Comté, les primo-accédants représentent 70 % des emprunteurs sur la résidence principale. Ils sont tombés à 50 % sur le 1er semestre 2024. Cependant, depuis cet été, nous constatons un retour en force de cette catégorie d’emprunteurs et toutes les banques redoublent d’ingéniosité pour capter cette clientèle. Notre offre actuelle est de doubler le montant du Prêt à Taux zéro dans la limite d’un plafond de 20 000 euros à 0 %, afin de redonner davantage de capacité d’endettement.
Càd : Confirmez-vous que les taux ne redescendront jamais aussi bas qu'ils étaient il y a deux ans ?
O.C. : Pour répondre à cette question, je me réfère aux derniers propos du Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui, au début octobre, s’exprimait dans ce sens : “La situation des taux de crédit à 1 %, voire en deçà, que nous avons connue il y a 2 ans avait un caractère très exceptionnel et il reste probable que nous ne la rencontrerons plus, tout au moins dans un avenir proche. Donc, pour celles et ceux qui ont des projets immobiliers, c’est le moment d’aller voir son banquier !”