Équation
Baisser les dépenses, ou augmenter les impôts, le choix était cornélien pour le nouveau gouvernement de Michel Barnier. Alors ce dernier a choisi de faire les deux, et pas à moitié. Certains diront qu’il est courageux, le premier sans doute depuis des décennies à tenter de s’attaquer au mur de la dette, sans quoi la France risquerait de connaître la potion amère que la Grèce avait dû s’infliger pour survivre. Et d’autres penseront qu’il ne va pas assez loin dans la hausse des impôts, prônant un matraquage fiscal qui risquerait de briser la fragile croissance du pays. Il y a aussi ceux qui estiment qu’on ne doit en aucun cas augmenter la fiscalité, espérant que la baisse des dépenses suffira à redresser les comptes de la France. Eux se fourvoient sans doute aussi, tant il est devenu quasiment impossible de nos jours d’imposer des cures d’austérité à des secteurs de l’économie qui agonisent déjà faute de moyens. Le grand plan d’économies annoncé par le Premier ministre se heurte à la fronde unanime des collectivités territoriales à qui M. Barnier a demandé 5 milliards d’euros d’économies. Les associations d’élus n’admettent pas que l’État qui a dépensé sans compter ces dernières années, avec une dette qui a été creusée de 1 000 milliards d’euros depuis 2017, demande aux territoires de se serrer eux aussi la ceinture. La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté Marie-Guite Dufay l’a dit haut et fort lors de la récente séance publique de la collectivité, rappelant que 70 % des investissements publics en France sont le fait de ces collectivités territoriales et que, contrairement à l’État qui a le droit d’emprunter pour financer sa dette, les territoires ne peuvent le faire que pour investir. Pour notre seule Région, les efforts que demande l’État sont de 60 millions d’euros. Soit l’équivalent des dotations de fonctionnement habituellement versées aux 128 lycées publics de Bourgogne- Franche-Comté. Même colère chez le président des maires du Doubs Patrick Genre qui n’accepte pas, dit-il, “que les collectivités soient mises au banc des accusés.” Alors qu’ils débutent à peine, les débats autour du budget 2025 de la France n’ont pas fini de faire des remous. Situation inédite en France : on risque de s’acheminer vers une guerre ouverte entre l’État et les collectivités locales ajoutant une crise institutionnelle à la crise sociale. Michel Barnier doit se muer en magicien pour résoudre cette impossible équation du budget.
Jean-François HAUSER
Directeur de la rédaction