L'ancienne ministre du Travail, Astrid Panoysan-Bouvet a annoncé le 3 décembre l’abandon de la proposition du patronat et des syndicats de réduire de façon drastique l’allocation versée aux travailleurs frontaliers.

Les allocataires frontaliers sont très souvent mieux indemnisés que l’ensemble des allocataires français. Les allocataires frontaliers ayant travaillé en Suisse sont indemnisés en moyenne 2 670 euros par mois en 2023 contre 1 265 euros pour l’ensemble des allocataires indemnisés par le régime d’assurance chômage français.

Une nouvelle formule de calcul devait permettre à l’Unedic d’économiser 250 millions d’euros chaque année. Sitôt annoncée, cette mesure n’a pas tardé à soulever de vives protestations de travailleurs frontaliers, d’associations et même d’élus. Tous considéraient que ce n’est pas aux travailleurs frontaliers de porter le chapeau.

“Pour nous, ce n’était pas une bonne mesure. C’est un problème politique. Ce n’est pas juste que la Suisse ne paie pas sa quote-part. Pas question de stigmatiser le frontalier qui cotise à hauteur de ses revenus”, estime Éric Liégeon, le député de la Vème circonscription, qui a remplacé Annie Genevard quand celle-ci a été nommée à l’Agriculture sous le gouvernement Barnier.

Point de vue partagé par Thierry, ancien frontalier qui exerçait dans la mécanique de précision. “C’est inadmissible de vouloir diviser par deux ces indemnités chômage. Nos dirigeants vont devoir s’entendre avec leurs homologues suisses pour trouver une solution. C’est à eux de faire le job. On peut critiquer les travailleurs frontaliers. Sans eux, des pans entiers de l’économie locale s’écrouleraient dans le bâtiment, l’artisanat, le commerce…”

Georges, qui a lui aussi quitté la Suisse pour ouvrir un cabinet de psychopraticien dans le Val de Morteau, a craint le pire, surtout au moment où l’horlogerie suisse n’est pas au mieux. “Avec cette crise horlogère structurelle, beaucoup de travailleurs frontaliers risquent de se retrouver au chômage dans les mois à venir, et je ne pense pas que l’on verra le bout du tunnel avant l’été. À 1 260 euros d’indemnités chômage, c’est sauve qui peut. On allait au-devant d’une grave crise sociale et économique.”

Réaction

“Le système actuel n’est pas logique”

L’Amicale des frontaliers se mobilisait depuis ce printemps pour dénoncer le caractère anticonstitutionnel de cette mesure. Entretien avec Michel Rivière, président de l’Amicale des frontaliers.

“C’est au pays d’emploi de verser les indemnisations aux chômeurs frontaliers. On a bon espoir de régulariser cette disposition avec le député européen Christophe Grudler”, explique Michel Rivière, le président de l’Amicale des Frontaliers.

C’est-à-dire : Dans quelles circonstances avez-vous réagi ?
Michel Rivière :
Aussitôt alertée, l’Amicale a proposé à l’ensemble des associations de frontaliers du Luxembourg, d’Allemagne, de Suisse de se regrouper sous une bannière commune. Seuls le G.T.E. et le C.D.T.F. en Alsace ne nous ont pas rejoints. On a transmis un courrier aux ministres concernés. Il stipulait que « cet avenant a un aspect discriminatoire et que cette disposition a déjà été retoquée plusieurs fois par la Cour de Justice européenne. » Quel intérêt alors d’aller perdre son temps dans des procédures dont on connaît déjà la conclusion ?

Càd : La réponse de la ministre du travail démissionnaire vous satisfait-elle ?
M.R. :
Évidemment, même si les associations restent unies. On continuera à faire preuve de vigilance et de réactivité si besoin. Début décembre, on a rencontré à Belfort le député européen Christophe Grudler. Il fait partie de la commission des affaires étrangères avec délégation sur les pays : Suisse, Norvège et Islande. Cette commission doit se réunir d’ici la fin de l’année pour renégocier les accords entre la France et l’Europe. Ces accords seront bien sûr validés par la Suisse en 2025.
Christophe Grudler est aussi membre de la commission sur les indemnités chômage. Nous l’avons interrogé sur la question de la durée d’indemnisation du pays d’emploi. Le système actuel n’est pas logique. Le président de la commission qui l’avait négocié était luxembourgeois. Aujourd’hui cette commission est présidée par un Polonais qui partage notre point de vue. Si les Suisses devaient indemniser les frontaliers au-delà de cinq ou six mois, ils réfléchiraient sans doute à deux fois avant de licencier.

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