Un groupe de travail franco-suisse travaille sur l’opportunité de boucher les failles au fond des bassins du Doubs pour tenter de limiter les effets des sécheresses à répétition et le spectacle désolant des bassins asséchés.
Le spectacle majestueux du Saut du Doubs en cet automne a rapidement fait oublier le visage que présentait un mois plus tôt le même site. Des rocailles et un mince filet d’eau. Ce spectacle de désolation, hélas, est devenu le lot habituel des fins d’été dans le Haut-Doubs. Et les prévisions en matière de débit ne portent guère à l’optimisme.
Dans une étude dont elle n’a pas encore rendu les conclusions, l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute-Loue (Établissement Public d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) prédit que “d’ici 2040, les volumes d’eau à l’année risquent d’être les mêmes, mais les débits à l’année devraient beaucoup varier. Ainsi on pourrait avoir au cours des étés des débits entre 20 et 45 % inférieurs aux débits actuels, alors que ce secteur connaîtra une augmentation de ses besoins en eau” confie la direction de l’E.P.A.G.E. Pour l’état des bassins du Doubs dans les étés des prochaines décennies, l’inquiétude est donc légitime.
Au printemps 2001, des tentatives de rebouchage des failles situées au fond des bassins avaient été entreprises, par l’injection de 40 m³ de béton hydraulique. Des travaux financés en bonne partie par le Conseil général de l’époque à hauteur de 600 000 francs (un peu plus de 91 000 euros). “Ces travaux avaient été efficaces, ils avaient permis de limiter l’assèchement des bassins, mais leur efficacité s’est réduite dans le temps” constate Christophe Droz-Bartholet, le batelier de Villers-le-Lac qui avait suivi de près ce chantier et qui participe aujourd’hui à ce nouveau groupe de travail franco-suisse. Sans doute que les spécialistes de l’époque n’avaient pas pu accomplir totalement leur mission, et “soit la perte colmatée n’avait pas un bouchon rigoureusement étanche, soit comme il est plus sérieux de penser au regard de la géologie locale, celle-ci avait des petites sœurs que les plongeurs n’avaient pas décelées et qui se sont peut-être aussi élargies” note de son côté la Commission de protection des eaux qui s’était opposée à ces travaux.
L’objectif de cette nouvelle taskforce pilotée par nos voisins suisses est bien de trouver un nouveau scénario pour tenter d’endiguer ce phénomène récurrent de fuites. Ce groupe de travail rassemble une quinzaine de personnes, il est composé notamment des représentants des communes françaises de Villers-le-Lac et de Morteau, de la commune du Locle (qui comprend désormais Les Brenets), de l’Agglomération urbaine du Doubs, des services cantonaux de Neuchâtel, de l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute-Loue, et des compagnies locales de navigation, la N.L.B. côté suisse, et les Vedettes panoramiques du Saut du Doubs et les Bateaux du Saut du Doubs côté français. “Les autorités françaises comme suisses ont bien conscience de l’ampleur qu’a pris ce phénomène de sécheresses à répétition. L’objectif de ce groupe de travail qui s’est déjà réuni trois fois est d’alerter, de sensibiliser, de mutualiser nos connaissances et d’étudier dans la mesure du possible quelles solutions techniques pourraient être mises en œuvre” résume Cédric Dupraz, conseiller communal du Locle à la tête de ce groupe de travail.
Il est trop tôt pour avancer des solutions. Une chose est sûre : la technique du béton serait totalement oubliée, pour d’évidentes raisons écologiques, et on évoque la possibilité de poser au fond des bassins “des géotextiles écologiques” ajoute M. Dupraz.
L’heure est encore aux études. L’I.S.S.K.A. (Institut suisse de spéléologie et de karstologie) a rendu une première étude il y a quelques semaines dont les résultats ont été présentés lors d’une conférence au Locle fin novembre. “Cette première étude a été rassurante, elle a indiqué qu’il n’y avait pas d’augmentation des débits d’écoulement et pas plus de failles que depuis la grande étude géologique de 1906.” La seconde étude est donc menée côté français par l’E.P.A.G.E., elle concerne plus largement les débits du Doubs en aval de Pontarlier et jusqu’à Villers-le-Lac et une étude prospective sur les débits dans les prochaines décennies. Fort des résultats de ces études préliminaires, ce groupe de travail décidera si oui ou non, de nouveaux travaux de colmatage des fuites du Doubs seront utiles, pour permettre ainsi le sauvetage d’un pan non négligeable de l’économie touristique local en période estivale.