Jusqu’au 1er juin, le Comité du Souvenir Français du Val de Morteau et du Saugeais organise des conférences, cérémonies et visites guidées pour rendre hommage à ces résistants méconnus qu’étaient les passeurs du Haut-Doubs. Les historiens, comme Jean-Michel Blanchot, ont encore devant eux un long travail de recherches à effectuer pour établir la vérité sur ces individus aux parcours si différents.
Louis André, Georges Beuret, Michel Vuillequez… Sur les treize passeurs actifs dans le Val de Morteau entre 1940 et 1944, seulement neuf sont revenus des camps de concentration où ils avaient été déportés. Un premier hommage leur avait été rendu, en octobre 2022, avec l’inauguration d’une stèle érigée par le Comité du Souvenir Français du Val de Morteau et du Saugeais, et d’un sentier, traversant la frontière franco-suisse, baptisé du nom d’un truculent résistant franc-comtois.
“Michel Hollard, le fondateur de l’important mouvement résistant A.G.I.R., a passé 98 fois la frontière pour assurer le passage de clandestins, mais aussi et surtout pour transmettre des renseignements à l’ambassade britannique, à Berne, permettant par exemple de connaître l’existence des rampes de lancement des fusées V1”, explique Jean-Michel Blanchot, le président du Comité du Souvenir Français du Val de Morteau et du Saugeais. Michel Hollard n’est cependant pas le seul à mériter tous les honneurs.
À l’occasion du Cycle mémoriel dédié aux passeurs du Val de Morteau, programmé jusqu’au 1er juin, une plaque a été dévoilée le 8 mai à l’intention de Roger Cuenot, lui aussi membre du groupe A.G.I.R. et décédé au camp de Dora. “Ses conditions de vie dans ce camp de concentration, qui était destiné à la fabrication de fusées V2, étaient très difficiles. Son passé de résistant-passeur avait été quelque peu oublié dans son village natal, 80 ans après son décès”, rappelle Jean-Michel Blanchot, qui a collaboré avec le maire de La Chenalotte, Dimitri Coulouvrat, pour faire la lumière sur cet homme de l’ombre. Des historiens passionnés, comme Laurent Thiery, et des guides conférenciers distilleront tout au long de ce Cycle mémoriel les dernières informations issues d’archives et de témoignages sur les passeurs du Haut-Doubs.
En pleine occupation allemande, alors que la frontière avec la Suisse fait partie de la zone interdite, la Résistance, par l’entremise des filières de passeurs, parvient à faire transiter des renseignements militaires, à exfiltrer des aviateurs alliés, à préserver des jeunes Français du S.T.O. et à sauver 200 familles juives, au nez et à la barbe des soldats de Hitler. “Les passeurs, qui pratiquaient souvent la contrebande, connaissaient très bien le terrain, à la différence des Allemands. Ils ont bénéficié également de la bienveillance et de la complicité de nombreux habitants, comme Paul Cuenot qui a accueilli dans sa ferme Michel Hollard”, note Jean-Michel Blanchot. Celui qui est aussi professeur d’histoire au lycée Edgar-Faure rappelle aussi le rôle clé joué, durant la Seconde Guerre mondiale, par la Suisse, véritable “plaque tournante des activités d’espionnage des Alliés.”
Pour évoquer l’importance stratégique de la frontière franco-suisse, le Comité du Souvenir Français du Val de Morteau et du Saugeais a invité l’historien helvète Christian Rossé, spécialiste des renseignements helvétiques entre 1939 et 1945, qui animera une conférence à Morteau, le 31 mai, dans le cadre du Cycle mémoriel dédié aux passeurs. Ses propos seront complétés le lendemain par Gisèle Tuaillon-Nassé, romancière férue d’histoire et autrice des Passagers de l’Aube, qui a reçu le prix Marcel-Aymé en 2009.
À côté de ces séminaires, une cérémonie sera organisée à la stèle des passeurs du Val de Morteau, suivie par un dépôt de gerbes et un repas convivial à l’auberge du Mont Châteleu, le 1er juin. Pour Jean-Michel Blanchot, les connaissances encore partielles sur les résistants-passeurs du Haut-Doubs démontrent que les recherches sur ce sujet sont “un chantier pour l’avenir.”