Suite à une décision rendue le 21 février dernier, la commission de certification des établissements de santé de la Haute Autorité de Santé a déclaré le centre hospitalier intercommunal de Haute Comté “non certifié”. Un autre coup dur après la mise à l’écart provisoire de son directeur.
La sanction est tombée il y a quelques semaines, sévère et implacable : “Au vu des éléments mentionnés dans le présent rapport, issus de la visite sur site, la Haute Autorité de santé décide la non-certification de l’établissement.” Et dans un rapport détaillé, le gendarme indépendant de la santé explique les raisons qui l’ont amené à ne pas certifier le C.H.I.H.C. (Centre hospitalier intercommunal de Haute Comté).
Cette procédure de certification, mission confiée à la Haute Autorité de Santé, est une procédure d’évaluation externe des établissements de santé publics et privés effectuée par des professionnels (des pairs) mandatés par la H.A.S. : on les appelle les experts-visiteurs. Cette procédure effectuée tous les quatre ans, indépendante de l’établissement et de ses organismes de tutelle, porte sur le niveau de qualité et de sécurité des soins délivrés aux patients.
Ce rapport de visite porte sur trois chapitres essentiels : le patient, les équipes de soins, et l’établissement. Détails.
Concernant le patient
Les experts ont reproché les points suivants :
“Certains secteurs ne mettent à disposition qu’une T.V. pour deux patients et d’autres secteurs n’offrent qu’une douche pour 8 patients, limitant ainsi l’accès à des soins d’hygiène au moment voulu par les patients. L’hygiène des locaux est assurée mais les locaux sont vieillissants. Par ailleurs, les locaux d’attente aux urgences ne permettent pas toujours de garantir le respect de l’intimité. De même, l’établissement utilise (soins continus, urgence et psychiatrie) des systèmes de vidéosurveillances qui ne sont pas conformes au respect de l’intimité et la dignité des patients. Les soignants sont sensibilisés aux bonnes pratiques pour respecter la dignité des patients, la confidentialité, et s’adaptent aux locaux qui ne le permettent pas toujours. En effet, aux urgences, les patients installés en salle d’attente sont appelés par leur nom, ce qui ne permet pas de garantir la confidentialité. Par ailleurs, en raison de l’absence de locaux adaptés, la surveillance des enfants alités dans le couloir des urgences s’effectue à travers le bureau vitré des soignants. Lors de la consultation anesthésie, l’enfant reçoit un dessin à colorier lui décrivant son parcours mais il n’existe pas de passeport ambulatoire adapté.”
Concernant les équipes de soins
Les experts ont reproché les points suivants :
“L’évaluation des délais d’entrée en soins en psychiatrie ne fait pas l’objet d’une analyse permettant aux équipes d’identifier des axes d’amélioration. Dans certains services, les modalités de remise de la lettre de liaison à la sortie, suivies par l’établissement, ne sont pas conformes aux attendus définis dans le cadre des indicateurs qualité sécurité des soins (I.Q.S.S.). Des staffs quotidiens et hebdomadaires pluri-professionnels et la coordination de la prise en charge au sein des différents secteurs concourent à la qualité de la mise en œuvre des projets de soins. Néanmoins, les échanges d’information entre les secteurs interventionnels et les secteurs de soins restent à développer, au même titre que l’analyse des écarts de programmation qui permettrait aux équipes de chirurgie, d’anesthésie et des secteurs interventionnels de mettre en place des actions d’amélioration. Des audits et des évaluations de pratiques professionnelles sont réalisés sur la thématique du risque infectieux par l’E.O.H. (Équipe opérationnelle d’hygiène) à l’échelle institutionnelle : équipements de protection individuelle, etc. Toutefois, l’évaluation des pratiques professionnelles en matière d’antibioprophylaxie n’est pas mise en œuvre. Aussi, la tenue professionnelle au bloc opératoire n’est pas différenciée de celle des autres secteurs d’activité, ce qui ne permet pas de garantir que cette dernière soit strictement dédiée au bloc opératoire. De même pour les brancardiers qui entrent en S.S.P.I. (salle de réveil N.D.L.R.) sans masque, ni charlotte, ni tenue dédiée. Les chariots dédiés à l’administration des médicaments ne sont pas toujours sécurisés et les locaux au sein desquels ils sont stockés non verrouillés (à titre d’exemple, le chariot de médicaments de la salle de réanimation au bloc obstétrical). Par ailleurs, dans certains secteurs d’activité, le médicament à risque n’est pas identifiable à toutes les étapes de la prise en charge médicamenteuse, comme en pédiatrie où la dobutamine est identifiée comme médicament à risque sur la liste mais n’est plus identifiée comme tel dans l’armoire de dotation ou encore l’absence de liste de M.A.R. (médicaments à risque) en réanimation pédiatrique. Les règles de stockage et d’identification des M.A.R. ne sont pas toujours respectées. Dans certains services, les coffres dédiés au stockage de stupéfiants contiennent des objets qui ne leur sont pas destinés (couteau, argent). Par ailleurs, le chlorure de potassium identifié M.A.R. injectable est mélangé à d’autres injectables dans une armoire à médicaments installée dans une salle de soins des urgences non verrouillée. Le relevé des températures des réfrigérateurs contenant des médicaments n’est pas quotidien. Certains réfrigérateurs disposent d’une alarme qui n’est pas répercutée, comme en chirurgie. En médecine, il a été constaté l’absence du port d’équipement de protection individuel (lunettes, tablier) lors de la pose et du retrait d’une chimiothérapie injectable.”
Concernant l’établissement
Les experts ont reproché les points suivants :
“Une infirmière de coordination Ville-Hôpital est mise à disposition avec le suivi d’indicateurs spécifiques sur la mission. Cependant, bien que le C.H. analyse ses délais de délivrance de la lettre de liaison, les indicateurs sont toujours faibles et sur ce point, un audit interne a été réalisé en 2023. On note également que les comptes rendus ne sont pas donnés aux patients en fin de consultation. Selon la gouvernance, l’établissement soutient une culture qualité sécurité des soins qui n’est pas toujours retrouvée sur le terrain lors des évaluations auprès des professionnels. Cette culture n’est pas homogène sur les différents secteurs d’activité et, sur ce point, le centre hospitalier n’a pas réalisé d’évaluation de la culture sécurité qualité des soins auprès des personnels. Concernant le service des urgences, la prise en charge des urgences vitales est en grande partie maîtrisée et des protocoles d’urgences sont rédigés et les formations sur la thématique sont assurées. Toutefois, des exercices de simulations ne sont pas mis en place et doivent être programmés et, par ailleurs, l’analyse globale du dispositif de prise en charge de l’urgence vitale n’a pas été réalisée, ce qui ne permet pas à l’établissement de s’assurer de l’efficacité de son organisation. Les représentants des usagers participent à quelques démarches d’amélioration de la qualité, cependant, ils ne participent pas aux instances et s’accordent très clairement pour confirmer qu’ils ne sont pas aujourd’hui impliqués dans la vie de l’établissement. Dans le cadre de sa démarche qualité, l’établissement analyse, exploite et communique la survenue d’événements indésirables (E.I.) liés aux soins. Au regard des données, il ne déclare que très peu d’E.I. graves (E.I.G.). Selon la direction de l’hôpital, les E.I.G. sont effectivement vus et analysés collectivement par une méthode préconisée et la synthèse des travaux issus de ces analyses est partagée et aboutit à des plans d’action mis en place. Cependant, vu du terrain et, au travers des rencontres de professionnels, la culture de déclaration des E.I. n’est pas aboutie au dire même des acteurs. Ces derniers ne connaissent pas les E.I. en lien avec leur secteur d’activité et il semble y avoir un déficit d’appropriation de cette méthodologie qualitative. De plus, les E.I. sont déclarés sur un système papier qui n’est pas encore informatisé, ce qui rend la réactivité et les échanges complexes. Au regard des nombreuses activités à risque déployées au sein du C.H.I.H.C. et, bien que la C.M.E. promeuve le programme d’accréditation auprès de ses médecins, l’établissement ne connaît pas et n’est pas en mesure de présenter la liste des médecins accrédités (en dehors de deux chirurgiens orthopédiques accrédités).”
C’est au regard de ces reproches que la H.A.S. a donc prononcé une non-certification et donne ces recommandations à l’établissement hospitalier :
- Développer la confidentialité des patients aux urgences.
- Maîtriser le circuit des patients mineurs aux urgences.
- Préserver le respect et l’intimité des patients avec les systèmes de vidéosurveillance aux urgences, en psychiatrie et dans les soins continus.
- Adapter le matériel d’urgence à l’ensemble du public accueilli en chirurgie ambulatoire.
- Sécuriser le circuit de l’administration des produits sanguins labiles.
- Sécuriser le circuit des médicaments à toutes les étapes.
- Maîtriser le risque infectieux en médecine.
- Développer les démarches d’évaluation de résultats cliniques et de revue de pertinence de pratiques.
- Renforcer l’implication et l’appropriation des professionnels de terrain à la démarche qualité et à la définition d’actions d’amélioration en lien avec les indicateurs qualité et sécurité des soins.
- Développer le questionnement éthique.
Cette décision de non-certification implique pour l’hôpital de Pontarlier “la mise en œuvre d’une nouvelle procédure dans un délai maximum de deux ans.” Le C.H.I.H.C. a donc moins de deux ans pour redresser la barre.
Il est important de préciser que malgré notre demande pour qu’il apporte son éclairage et un avis sur cette non-certification, ni l’hôpital ni sa commission médicale d’établissement n’avaient répondu à nos sollicitations.