À l’occasion de la mue du musée de l’Horlogerie, la Communauté de communes du Val de Morteau a fait appel à Cédric Mottier pour réaliser l’étude historique prescrite par la D.R.A.C. Son étude de 154 pages apporte un éclairage nouveau sur la société mortuacienne de la fin du XVIème siècle. Interview.

C'est à dire : Les Cuche apparaissent régulièrement dans les publications des historiens comme étant les commanditaires du château Pertusier. Qu’en est-il réellement ?
Cédric Mottier : La mention des Cuche comme bâtisseurs, puis possesseurs du château 75 ans durant, tient sur trois lignes. En plus, il n’y a pas de sources indiquées. Or, pour construire un tel édifice pourvu d’une tour (hexagonale ici), il faut à l’époque être noble, et posséder un capital culturel. Ce n’est pas le cas des Cuche du Val de Morteau qui, en 1576, année d’achèvement de la partie la plus ancienne du bâtiment actuel, étaient de riches paysans, affranchis de la mainmorte en 1600, tel qu’il ressort des archives.

Cédric Mottier (deuxième à gauche, ici en photo lors des dernières journées du patrimoine), s’est notamment penché sur les archives du prieuré de Morteau (photo Ville de Morteau).

Càd : Qui aurait pu le construire alors ?
C.M. : Selon moi, seules deux familles nobles du Val auraient pu construire cette maison : les Fauche et les Musy. Liées par mariages dès la fin du XVème siècle, ces deux familles ont été affranchies dès les années 1540, soit bien avant la quasi-totalité des habitants du Val (1600). Entrés au service de Philippe II, roi d’Espagne et comte de Bourgogne, Fauche et Musy ont accédé à la noblesse au cours des années 1570. C’est Pierre Fauche, trésorier de la grande saline de Salins, et son frère Étienne, tous deux anoblis par lettres en 1578, qui ont fait construire l’actuel hôtel de Ville, achevé en 1590. Contrairement à Pertusier, cette vaste maison noble, dotée pas moins de deux tours, est située au même niveau que le prieuré, cœur du pouvoir seigneurial, témoignant de la puissance acquise à l’époque par les Fauche.

Càd : Que sait-on des Musy ?
C.M. : Les Musy ont pratiquement le même cursus honorum. En 1576, ils comptaient dans leurs rangs Claude, docteur en droits et conseiller au parlement de Dole, et Anatoile, ambassadeur du roi d’Espagne. Selon moi, comme ensuite les Fauche, les Musy auraient édifié le château Pertusier pour témoigner de leur réussite et conforter leur noblesse. Le fort endettement observable chez eux dès les années 1580 vient conforter mon hypothèse. Vers 1600, ils cessent d’être qualifiés de nobles ou d’écuyers dans les actes publics. La construction de leur maison noble aurait finalement compromis leur situation économique, et leur noblesse. C’est un peu la fable de la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf…

Càd : Que reste-t-il du château originel aujourd’hui ?
C.M. : L’étude archéologique du bâti, réalisée par le Centre d’études médiévales Saint-Germain d’Auxerre, a fait apparaître plusieurs phases de construction. L’édifice Renaissance initial était plus réduit que le bâtiment actuel. Son agrandissement aux XVIIème et XVIIIème siècles peut être attribué aux Bôle, apparentés aux Musy dès les années 1590, et possesseurs des lieux en 1655 déjà. D’autres ajouts ont été réalisés au XIXème siècle par les Pertusier, nouveaux propriétaires. Enfin, le château a survécu à l’assaut des Suédois, lors de la Guerre de Dix Ans, puis à plusieurs incendies.

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