Directeur général du C.H.U. de Besançon, Thierry Gamond-Rius a pris la direction par intérim de l’hôpital de Pontarlier en avril dernier, à la suite de la suspension de l’ancien directeur Jean-David Pillot. Après une sévère sanction de la Haute autorité de santé, il met en avant les projets qui vont dynamiser l’établissement pontissalien, notamment les postes partagés. Entretien.

C'est à dire : Il y a quelques mois, l’hôpital de Pontarlier a subi deux coups durs : la suspension de son directeur et la non-certification de l’établissement par la Haute autorité de santé. Pourquoi avoir accepté la direction par intérim ?
Thierry Gamond-Rius : Il est vrai que la suspension a été un vrai sujet d’inquiétude. Elle est toujours d’actualité par ailleurs. On espère tout de même avoir un nouveau directeur au début de l’année prochaine. J’ai accepté l’intérim car dans notre symbolique, cela me semblait important. Quand je suis arrivé à Pontarlier, j’ai bien senti un contexte difficile, le personnel était inquiet pour l’avenir de l’hôpital. Et puis, le rapport de la Haute autorité de santé était sévère.

Thierry Gamond-Rius, directeur du C.H.U. de Besançon, et également directeur par intérim de l'hôpital de Pontarlier

Càd : Dans quel sens ?
T.G.-R. : La sanction est sévère par rapport à la réalité de la situation. Mais les deux derniers rapports de la H.A.S. avaient fait des remarques qui n’ont pas été suivies… Cette non-certification est vraiment désagréable pour les équipes qui s’investissent. Il y a des éléments qui nous forcent à aller de l’avant, cela a provoqué un électrochoc, on ne peut pas rester non-certifiés de toute façon. Le plan d’actions pour répondre aux exigences de la H.A.S. est en cours. Mais il n’y a pas de danger majeur en termes de sécurité.

Càd : Le projet d’extension des urgences de Pontarlier est-il un moyen de répondre aux demandes de la H.A.S. ?
T.G.-R. : Évidemment, on n’arrête pas les projets. Le Ségur de la santé a permis un financement d’un nouveau bâtiment des urgences. Ce dernier va tenir compte des demandes de la H.A.S. Les travaux devraient débuter à la fin 2025.

Càd : Vous avez parlé des craintes du personnel de l’hôpital de Pontarlier de voir leur établissement fermé. Leur crainte est-elle fondée ?
T.G.-R. : Pontarlier est un établissement particulier avec une belle activité, une palette de services : urgences, maternité, chirurgie, médecine… Et un bassin de population avec une forte identité. Je milite en faveur du maintien du niveau d’équipement qui est celui de Pontarlier, mais c’est difficile par rapport à la taille de l’établissement. Notamment pour le recrutement.

L’hôpital de Pontarlier reste pour l’instant sans directeur.

Càd : C’est-à-dire ?
T.G.-R. : Les médecins sont de plus en plus spécialisés, ils viennent dans des établissements où le volume d’activité leur permet de faire leur spécialité. Et les professionnels sont de plus en plus attachés à l’équilibre professionnel-personnel. La charge de l’astreinte pèse sur les recrutements. L’envie d’hyperspécialisation et d’équipes un peu plus étoffées ne facilite pas les recrutements dans un hôpital comme Pontarlier. Et c’est un peu compliqué avec l’image que renvoie le Haut-Doubs. Il manque des professionnels, mais pas tant que ça.

Càd : Quelles solutions avancez-vous ?
T.G.-R. : En Franche-Comté, nous avons une chance : le C.H.U. est implanté au milieu de tous les autres hôpitaux, les distances ne sont pas insurmontables. Je souhaite développer les postes partagés. C’est une conviction profonde chez moi. Le principe est d’aider les autres plateaux techniques (Pontarlier, Dole, Lons-le-Saunier, etc.) en permettant aux professionnels de santé, notamment ceux ultra-spécialisés d’exercer dans les autres hôpitaux, plus petits. Nous sommes dans la complémentarité, pas la concurrence. On aurait pu faire le choix de tout centraliser. Mais les activités réalisées dans les autres hôpitaux permettent de soutenir l’établissement, d'éviter le déplacement des patients et de laisser du temps au C.H.U. pour la recherche et ses missions de recours. En Franche-Comté, nous avons le très bel exemple de l’I.R.F.C. (Institut régional fédératif du cancer). Ce modèle fonctionne depuis 15 ans. Il garantit d’avoir un praticien, une qualité de soins qu’on n’a pas toujours du fait des problèmes de recrutement, un délai de prise en charge plus rapide notamment entre la chirurgie et la chimiothérapie. Ce modèle montre une réactivité au plus près de la population. Aujourd’hui, nous étendons ce modèle à toutes les disciplines. La Franche-Comté compte 222 postes partagés. Avec Pontarlier, nous développons une coopération de fond.

Càd : Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
T.G.-R. : Par exemple, le service de gynécologie-obstétrique a soutenu la maternité de Pontarlier (1 000 accouchements par an). Nous avons développé les postes partagés. Cela permet aux jeunes praticiens de garder un pied au C.H.U. et d’avoir sur l’autre plateau une liberté qu’ils n’ont pas forcément à Besançon. Nous avons lancé une fédération médicale interhospitalière en gynécologie-obstétrique entre Pontarlier et Besançon que nous élargissons à la chirurgie viscérale, l’orthopédie, l’O.R.L. et les urgences. Concrètement, chaque établissement reste autonome. Cette fédération formalise les postes partagés et améliore les possibilités de recrutement sur Pontarlier. Par ces postes partagés, on essaie de développer le maillage du territoire. Il y a 20 ans, le bloc opératoire à Dole aurait fermé. Là, on fait de l’ambulatoire, on ramène de l’activité sur les établissements.

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Càd : Quelle est la situation au C.H.U., qui reste l’hôpital de recours de la région ?
T.G.-R. : Lors de ma prise de fonction début 2023, l’hôpital était en phase de transition avec les équipes épuisées et des difficultés de recrutement. L’année dernière a été plutôt positive avec une belle attractivité. 200 professionnels ont été recrutés, 200 postes en plus pour accompagner des projets et remettre à niveau certaines équipes. Cette tendance se confirme avec, cette année, 200 nouveaux professionnels en plus. De quoi développer des activités nouvelles. Et nous mettons un accent particulier sur les internes, nous avons intérêt à les inciter à venir travailler chez nous et à rester. Nous insistons sur l’intérêt géographique du C.H.U., central en Franche-Comté.

Càd : Outre le recrutement qui tend à s’améliorer, quelle est la situation au niveau de l’accueil des patients ?
T.G.-R. : Aujourd’hui, on ne refuse pas de patients. Sur un an, nous avons rouvert une quarantaine de lits avec un focus sur la cancérologie et la gériatrie. Il y a eu une reprise de l’activité en chirurgie, le développement de l’ambulatoire. Idéalement, on devrait rouvrir une vingtaine de lits supplémentaires mais nous sommes confrontés à des problèmes de locaux. Le dispositif Service d’accès aux soins (S.A.S.) de la médecine libérale permet en outre d’éviter que des patients arrivent aux urgences faute de rendez-vous en ville. Le centre d’enseignement et de soins dentaires a ouvert en septembre. En 2026, le nouveau bâtiment de psychiatrie sera opérationnel avec la remontée des services de Saint-Jacques. Puis, il nous faudrait dans les deux ans, être en capacité d’ouvrir une vingtaine de lits de médecine polyvalente pour peu qu’on trouve des professionnels. L’idée est d’un service de médecine polyvalente en aval des urgences qui ferait le lien avec la médecine de ville, les établissements médico-sociaux pour accélérer les sorties. Il faut travailler la sortie d’hôpital car trop de patients qui ne nécessitent plus d’hospitalisation occupent un lit, faute de solution à la sortie. On a du mal à faire ressortir les personnes des urgences, notamment les personnes âgées.