Jean-Marie Robbe publie “L’eau convoitée”, son dernier ouvrage. Pour illustrer ce livre très documenté, il a utilisé des anciennes cartes postales, les dossiers de l’Inventaire du patrimoine de Bourgogne- Franche-Comté et de nombreuses photos prises par lui-même, par Alain Robbe son frère photographe et par Jean-François Chopard
Dans “Les chemins de l’eau dans le Haut-Doubs”, Jean-Marie Robbe, 77 ans, propose une approche paysagère et naturelle de l’eau. Dans “L’éboulement créateur”, il explique la naissance du Saut du Doubs et l’évolution des rives du Doubs dans le Val de Morteau dans ses aspects géologiques et humains.
Dans “L’Eau convoitée”, son dernier ouvrage sorti en ce mois de février, il livre une analyse beaucoup plus technique. Son étude est basée sur des rapports d’ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, des délibérations du Conseil général, des comptes rendus des délibérations des conseils municipaux de la Ville de Pontarlier, les dossiers du Patrimoine de la Région et de nombreux articles de la presse locale et régionale.
“C’est un sujet qui n’a pas encore été abordé en détail dans la littérature”, détaille l’écrivain aux multiples facettes. “J’ai commencé mes recherches il y a plusieurs années et, l’an dernier, la célébration des 70 ans du barrage du Châtelot a été le déclencheur de la rédaction définitive.
Les premiers aménagements du Doubs se sont limités, jusqu’au début du XIXème siècle, à la création des petits canaux de dérivation qui alimentaient les nombreuses scieries et les innombrables moulins. Il y a eu un premier projet, en 1860, de faire un canal le long du lac de Saint-Point pour régulariser le débit de la rivière. Puis sont apparus des projets d’alimentation de la ville de Pontarlier à partir du lac Saint-Point. À Villers-le-Lac, on a pensé, au début du XXème siècle, remonter le niveau des bassins du Doubs de 5 mètres, recréant le paléo-lac de Morteau-Les Brenets comme il y a 15 000 ans. Pour utiliser cette réserve d’eau de manière industrielle. Dans le même temps, on voulait remonter le niveau des lacs de Saint-Point et de Remoray de 15 mètres, la création de la ligne de chemin de fer Frasne-Vallorbe a ramené les promoteurs au réalisme.”
L’Eau convoitée évoque toute l’histoire de la rivière dont on a voulu valoriser le dénivelé, de sa source à Mouthe jusqu’à Goumois. “Le cours supérieur du Doubs est un tout que l’on ne peut pas découper en tranches, il faut voir le sujet sur la totalité du parcours de la rivière. En 1955-1956, encore, et ceci après la construction du barrage du Châtelot, une étude suisse a estimé qu’on n’utilisait pas suffisamment l’énergie hydraulique et qu’il fallait équiper le Saut du Doubs pour faire tourner les turbines”, poursuit Jean-Marie Robbe.
“Les ingénieurs suisses, ceux des Ponts-et-Chaussées et du service hydraulique du Département du Doubs, les sociétés d’exploitation de l’électricité voulaient, dès le début de la révolution industrielle, exploiter toujours davantage l’eau du Doubs. La plupart des projets étaient utopiques, irréalistes, et ils sont tombés à l’eau, souvent par décision des autorités, parfois sous la pression des habitants. Les guerres de 1914 et de 1939 ont freiné l’enthousiasme des rêveurs, les préoccupations étaient ailleurs, et pas seulement dans le domaine financier.”
Aujourd’hui, l’eau est convoitée principalement pour des raisons touristiques. “Les Bassins du Doubs ne sont presque plus navigables en été”, regrette Jean-Marie Robbe. “Et l’on ignore comment remédier à cette situation. On est proche de la quadrature du cercle et il est important de ne pas faire n’importe quoi, la réflexion est lancée mais, quoi qu’on fasse, la nature sera toujours la plus forte, et heureusement !”
L’Eau convoitée est un élargissement et un approfondissement de l’ouvrage précédent intitulé “L’Éboulement créateur”. Il porte à huit le nombre de livres écrits par Jean-Marie Robbe, l’ancien professeur de mathématiques. “J’ai véritablement débuté l’écriture en 2006”, rembobine l’auteur. “À mon arrivée en retraite. En 2008, j’ai raconté mes années de pension, mes 6 ans passés au séminaire de Consolation, dans La Pépinière. Mon deuxième livre fut Le Val de Morteau-Regards croisés, avec des photos de Jack Varlet. L’écriture a toujours été une passion pour moi. J’ai fait beaucoup de généalogie et à chaque fois qu’une recherche aboutissait, j’écrivais une note. Je poursuis mes recherches, il reste beaucoup à faire, et je conserve cette méthode de travail. Je suis issu d’une famille de petits paysans de Labergement-Sainte-Marie, tout ce qui concerne cette famille et ce village me passionne. J’effectue mes recherches avec mon frère Philippe, grand spécialiste du village. Savoir qui nous sommes, d’où nous venons, comment vivaient nos ancêtres, comprendre tout cet héritage qu’ils nous ont laissé, c’est pour moi fondamental. En écrivant, je veux laisser une trace de mon passage. Il n’y a pas de témoignage inutile ! Les générations qui nous suivent ont besoin de repères et j’ai eu la chance de vivre une époque de paix pendant laquelle tout a évolué très rapidement, au point de bouleverser les modes de vie. Tout va beaucoup plus vite, et l’oubli aussi ! Seuls les écrits papier resteront. Une grande partie des documents numériques s’effacera des ordinateurs et de la mémoire des hommes. Je ne suis pas un nostalgique pour autant, mais je veux participer à la permanence de la mémoire collective, à ma façon, sans prétention ! ”
Jean-Marie Robbe veut aussi en savoir plus sur son passé. Alors il fait beaucoup de recherches généalogiques. “Au fil de mes recherches, je me suis aperçu qu’il y avait des non-dits dans les familles. J’ai par exemple un arrière-arrière-grand-père qui a été condamné au bagne vers 1818, mais il ne fallait pas le dire, - oh déshonneur ! - ou un arrière-grand-oncle, originaire de Fournet-Blancheroche, moine bénédictin à l’abbaye de Ligugé près de Poitiers, mort dans la misère et abandonné de sa communauté dans une chambre minable à Marseille…”
Autant d’histoires de familles qui pourraient nourrir un grand nombre de futurs romans...