Le C.i.G.C. prévoit d’interdire l’épandage des boues d’épuration sur l’ensemble du périmètre de l’a.o.P. comté. une mesure contestée par les collectivités qui devront se rabattre sur d’autres filières de traitement beaucoup plus onéreuses.
Si personne ne conteste la réussite économique de la filière comté, beaucoup s’interrogent sur l’intérêt de durcir encore les conditions d’utilisation des boues d’épuration.
“Ce principe nous inquiète. On se demande si la filière a bien pesé toutes les conséquences économiques induites par cette décision. On espère aussi qu’elle sera aussi rigoureuse en interne”, explique Daniel Defrasne, le vice-président de la Communauté de communes du Grand Pontarlier (C.C.G.P.) en charge de l’eau et de l’assainissement.
La station d’épuration de Doubs produit entre 4 000 et 4 500 tonnes de boues chaque année, soit 1 000 tonnes de matières sèches. La valorisation se répartit équitablement entre co-compostage et épandage agricole. “Les boues sont transportées sur la plateforme d’Agri-compost à Montigny-les-Vesoul qui est équipée pour produire un compost normalisé. Le processus est très encadré”, précise Alexandre Potier, responsable d’exploitation au service eau et assainissement du Grand Pontarlier.
Pour la partie épandage agricole, la com’com travaille avec la société S.E.D.E. Environnement qui assure une prestation de valorisation des boues sur la base d’un plan d’épandage validé par la Chambre interdépartementale d’agriculture 25-90. Ce partenariat permet de cibler les exploitations et de définir l’amendement nécessaire.
Les volumes produits par la station de Doubs représentent une surface d’épandage de 117 hectares, répartis sur six exploitations agricoles situées près de Besançon. “On est déjà soumis depuis une vingtaine d’années à l’interdiction d’épandre nos boues en agriculture biologique et sur les A.O.P. morbier et mont d’or. D’où le fait d’aller sur des terres agricoles à l’extérieur de ces périmètres. Ce qui ne sera plus possible si l’interdiction s’étend à l’échelle de l’A.O.P. comté qui recouvre une bonne partie du Doubs et du Jura”, note Daniel Defrasne.
L’activité épandage des boues d’épuration est encadrée par un arrêté ministériel. Avant épandage, tous les lots font l’objet d’analyses physico-chimiques intégrant aussi le calcul de la valeur agronomique. “On n’a jamais eu de boues non conformes. Au contraire, on est bien en deçà des seuils. On suit un plan d’épandage avec une rotation sur les parcelles. À la fin de chaque campagne, un bilan agronomique est effectué en lien avec la chambre d’agriculture. Rappelons aussi que tous les lots de la station d’épuration de Doubs sont chaulés avant épandage. Ce traitement permet de stabiliser les boues qui ne sont plus fermentescibles”, ajoute le responsable technique.
Faute d’épandage, la C.C.G.P. devra se tourner vers des solutions d'élimination des boues par enfouissement et élimination. Avec des conséquences financières non négligeables. Le coût de traitement serait multiplié par quatre ou cinq, passant de 26 euros par tonne en épandage à 130 euros par tonne.
Conscient des enjeux, le Département du Doubs a engagé des études sur le devenir des boues d’épuration avec l’idée peut-être de rassembler les E.P.C.I. sur de nouvelles filières de valorisation. “Si la filière compostage est toujours acceptée, on pourrait imaginer d’investir dans une plateforme départementale. On s’étonne que la Région ne participe pas au mouvement”, déplore Daniel Defrasne.
Pour la C.C.G.P., l’enjeu est de taille car le budget lié au traitement des boues passerait de 80 000 euros à plus de 500 000 euros. De quoi alourdir la facture de chaque usager.
ZOOM
“C’est un vrai débat de société”
Le président du C.i.G.C. Alain Mathieu justifie la position du comté sur cette interdiction qui s’appliquera avec la reconnaissance officielle du nouveau cahier des charges du comté
Le Doubs Agricole : Vous comprenez que cette interdiction suscite des interrogations ?
Alain Mathieu : Bien sûr, on comprend la charge qui pèse sur les élus mais on ne peut pas réduire le devenir des boues d’épuration à la seule orientation du cahier de charges du comté. C’est un sujet de société qui nous concerne tous. La porte se referme progressivement sur ce service rendu par un retour à la terre des boues d’épuration.
LDA : Quel est le fond du problème ?
AM : C’est un principe de précaution qu’on retrouve en agriculture biologique ou dans le milieu forestier. La réglementation impose des analyses de plus en plus complexes qui conduisent à des épandages de plus en plus restrictifs. Rappelons que les épandages étaient interdits pendant le Covid. Avec la généralisation des soins à domicile, on voit apparaître de nouveaux risques de contamination des boues liés à l’usage de médicaments qui ne sont pas traités en station.
LDA : Quand s’appliquera cette interdiction ?
AM : On attend la reconnaissance officielle du cahier des charges qui se fera l’an prochain. Les collectivités pourront solliciter un temps d’adaptation suite à la sortie du décret.n
Propos recueillis par FC