En mai dernier, deux femelles ont été remises en liberté à proximité du lieu où elles avaient été recueillies l’hiver dernier sur les communes de Morbier et de Montlebon. L’occasion de revenir sur la dynamique de population du lynx jurassien, les causes de mortalité, l’impact du loup, du réchauffement climatique…

Le Massif du Jura abrite 80 % de la population de lynx vivant sur le territoire français. Le suivi de la population de lynx se fait à travers l’évolution des aires de présence régulières et occasionnelles. C’est l’Office Français de la Biodiversité (O.F.B.) qui assure ce suivi. Les derniers chiffres consolidés en 2022 montrent que l’aire de présence régulière est passée de 7 300 km² en 2018 à 8 600 km² en 2020.

Si le territoire occupé par le lynx tend à s’agrandir, cela signifie-t-il que la population augmente ? « Dans le massif jurassien français, on estime qu’il y a 120 individus adultes dont les deux tiers sont des femelles. Le reste de la population française se cantonne dans les Alpes du Nord et on dénombre quatre individus dans les Vosges », explique Gilles Moyne, le directeur du centre de soin Athénas qui recueille tous les lynx blessés. De retour dans le Jura depuis une quarantaine d’années, le lynx a vu sa population progresser de façon discrète mais régulière jusqu’en 2010 avant de se stabiliser, voire de régresser comme ce fut le cas dans les Vosges. « On a quand même observé quelques timides colonisations en Côte-d’Or et dans le nord des Alpes. » Le lynx est aussi présent dans le massif jurassien suisse, où la fondation Kora, qui œuvre pour la conservation de la faune sauvage, a estimé la population de lynx adulte à 80 individus. « Le lynx reste une espèce menacée et exposée à d’importants facteurs de surmortalité », poursuit Alexandre Moyne.

Deux jeunes femelles lynx ont été relâchées en mai dernier à proximité du lieu où elles avaient été recueillies à l’hiver dernier sur les communes de Morbier (photo) et Montlebon (photo Centre Athénas).

Actuellement, les deux principales menaces qui pèsent sur l’espèce sont les collisions routières et les destructions illégales, qui représentent à elles seules plus de 80 % de la mortalité. Les deux femelles relâchées en mai dernier avaient été recueillies l’hiver dernier sur les communes de Morbier et de Montlebon. La première avait été retrouvée blessée par balle, acte donnant lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire sous l’autorité du procureur de la République pour tentative de destruction. Ce délit est puni d’une peine maximale de trois ans de prison et 150 000 euros d’amende. « Sur la commune de Montlebon, il s’agissait d’une jeune femelle orpheline dont la mère a disparu sans laisser de trace. Ses chances de survie étaient très faibles. Le taux de mortalité chez les jeunes lynx est de 75 %. »

Les deux jeunes individus relâchés ont été équipés d’un collier V.H.F.-G.P.S. pour garantir leur sécurité et récolter des informations sur leur réinsertion et leur réadaptation au milieu naturel. Le lynx est particulièrement sensible à la circulation routière : 25 victimes de collision en 2022, 18 en 2023 et déjà 13 depuis le début de l’année 2024. Sur la totalité des individus touchés, seuls trois ont survécu. Parmi les facteurs de surmortalité, Alexandre Moyne pointe du doigt le transit frontalier, qui emprunte des routes perpendiculaires à l’axe nord-sud du massif jurassien, à des heures qui coïncident avec les déplacements du lynx. « La R.N. 57 est aussi une zone accidentogène bien identifiée. Rappelons que ce n’est pas le lynx qui traverse la route, mais le contraire, la route qui traverse le territoire du lynx. Ce félin vit sur un espace de 150 km², soit l’équivalent de la surface de 15 communes. On a lancé une campagne de signalisation routière en posant des panneaux pour sensibiliser les automobilistes. Dans le Haut-Doubs, deux communes ont joué le jeu au Val-d’Usiers et à Villers-le-Lac », annonce Gilles Moyne, pas franchement favorable au retour des 90 km/h sur une partie du réseau départemental.

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L’arrivée du loup dans le massif jurassien peut-elle constituer une menace pour le lynx ? « Non, répond Gilles Moyne. Les deux espèces vivent différemment. Les loups vivent plutôt en meute. Ils s’attaquent à des proies plus grosses que celles du lynx, qui est aussi exclusivement forestier. On ne peut pas dire qu’ils sont concurrents. Le vrai danger est plutôt lié à la pression exercée par les chasseurs sur les populations de chevreuils et de chamois. »

Autre sujet d’inquiétude : le réchauffement climatique. Une étude de l’O.F.B. démontre que les sécheresses à répétition ont un vrai impact sur la reproduction du chevreuil. D’où l’importance, pour les défenseurs du lynx, de réduire les prélèvements accordés aux sociétés de chasse. Les opérations de prise en charge de lynx blessés, et plus généralement de préservation de l’espèce, s’inscrivent dans le cadre du Plan National d’Actions en faveur du lynx boréal. Adopté en 2022 et animé par les services de l’État, il a pour objectif de réduire ses menaces pour rétablir le bon état de conservation du lynx.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Pontissalienne
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