Stéphane Beaudoux, le chef des pompiers du Doubs, explique les raisons qui l’ont poussé à réformer l’organisation territoriale du service d’incendie et de secours départemental pour plus d’efficacité et une meilleure organisation.

C'est à dire : La réorganisation des secours a été lancée dans le Doubs, elle est officielle depuis le début de l’année. Fini les groupements territoriaux, place aux compagnies de pompiers, plus proches des bassins de vie. Pourquoi avez-vous souhaité cette nouvelle organisation ?
Stéphane Beaudoux
: Cela fait plus de deux ans qu’on y travaille. Cette réorganisation a pris effet au début de l’année, elle est toujours en cours. C’est un énorme changement qui a nécessité la mobilité interne de 70 officiers professionnels qui ont soit changé de lieu de travail, soit changé d’emploi par une mobilité fonctionnelle. Il a fallu bien expliquer cette réforme aux pompiers volontaires sur le terrain.

Le contrôleur général Stéphane Beaudoux, directeur départemental des services d’incendie et de secours du Doubs.

Càd : Quelles ont été vos motivations pour totalement réorganiser la carte départementale des pompiers ?
S.B.
: Nous sommes partis de plusieurs contrats partagés par tous. D’abord, on subit depuis plusieurs années un effet ciseau entre le nombre de sollicitations opérationnelles qui sont en augmentation depuis plusieurs décennies, liées notamment aux évolutions sociétales qui se traduisent par un certain "consumérisme" des services publics, renforcé par le vieillissement de la population et aussi l’augmentation de l’individualisme dans notre société.
Notre activité est le reflet des mouvements de notre société. Et à l’inverse, la courbe de la disponibilité de nos sapeurs-pompiers volontaires ne cesse de baisser. Le Covid par-dessus cela a également changé les mentalités. Le beau modèle de ce service public basé sur l’engagement citoyen, héritier de 1789, est de plus en plus difficile à maintenir. D’où la nécessité de mettre en place cette réforme.

Càd : Les solutions déjà expérimentées comme l’engagement différencié ne suffisaient donc pas ?
S.B. :
L’engagement différencié consiste en effet à laisser la possibilité à nos sapeurs-pompiers volontaires de ne faire que les missions qu’ils souhaitent, cela afin d’alléger leur charge, et cela fonctionne bien. Mais en effet, cela ne suffisait pas.
Partant de ce constat et de celui que les pompiers volontaires ont toujours besoin de plus d’accompagnement et d’un management de proximité, notamment les chefs de centre, on a donc décidé de supprimer les trois grands groupements qui couvraient le département pour créer des compagnies. Les groupements étaient parfois très éloignés pour les chefs de centres. Les trois groupements ont donc été dissous en janvier dernier et on a créé à la place 12 compagnies, beaucoup plus proches des bassins de population. Nous avons désormais des unités beaucoup plus proches du terrain. Le principal avantage de cette nouvelle organisation est de faciliter la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires.
Exemple au centre de secours de Valdahon : avant la réforme, il n’y avait plus de professionnels rattachés à ce centre et les volontaires étaient tellement sollicités qu’ils n’arrivaient plus à assurer toutes les interventions. Sur une compagnie, il y a désormais deux officiers professionnels, un chef et son adjoint, et ils seront assistés à terme de deux sous-officiers professionnels.
Chaque compagnie regroupe entre 300 et 600 sapeurs-pompiers volontaires. L’organisation des pompiers dans le Doubs est désormais plus équilibrée, plus homogène et plus proche des besoins de la population. Et chaque chef de centre peut désormais être accompagné par un professionnel.

Càd : Les premiers résultats positifs se font déjà sentir ?
S.B.
: Clairement oui. Au centre de secours de Maîche par exemple, nous n’avions plus que trois pompiers volontaires en astreinte. Le fait d’avoir créé une compagnie à Maîche et placé des professionnels nous a permis de retrouver une disponibilité de 9 volontaires. Cette réorganisation territoriale et fonctionnelle apporte une vraie dynamique positive.

Càd : Ce mouvement n’est pas terminé ?
S.B.
: Non, nous sommes toujours en phase de mise en place. Nous sommes en train de créer une 13ᵉ compagnie de réserve et d’appui pour soutenir les compagnies qui viendraient à manquer d’effectifs.

La nouvelle organisation des pompiers du Doubs en 12 compagnies.

Càd : Qu’en est-il du recrutement des pompiers volontaires ?
S.B. :
Nous sommes confrontés à un vrai paradoxe. D’un côté, nous refusons des candidats qui souhaiteraient s’engager, c’est le cas surtout en milieu urbain où nous avons des effectifs suffisants. Et en zone rurale, on est également obligés d’en refuser car leur domicile est parfois trop éloigné de la caserne. D’où justement la création de cette 13ᵉ compagnie qui va nous servir, soit à prendre des profils très spécialisés, soit d’avoir à disposition des volontaires qui pourront prendre des gardes casernées dans tous les centres de secours qui ont des gardes postées. Cette compagnie pourra aussi servir de réserve opérationnelle sur les gros événements. Cette 13ᵉ compagnie sera finalisée d’ici la fin de l’année.

Càd : Où en est la féminisation du corps des sapeurs-pompiers ?
S.B.
: Elle évolue d’année en année. Les femmes représentent aujourd’hui 24 % de nos effectifs. Chez les J.S.P. (jeunes sapeurs-pompiers volontaires), cette part est quasiment de 50 %. À terme, les effectifs des pompiers du Doubs devraient donc être équilibrés entre les femmes et les hommes.

Zoom : Les pompiers du Doubs en chiffres

  • 3 044 agents au S.D.I.S. 25, dont 2 938 sapeurs-pompiers (et 106 personnels administratifs)
  • 2 535 pompiers volontaires et 403 professionnels
  • 195 073 appels reçus par le centre opérationnel
  • 534 appels par jour
  • 34 857 interventions par an
  • 95 interventions par jour
  • 1 intervention toutes les 5 minutes
  • 29 428 victimes secourues
  • Évolution de l’activité : +22 % par rapport à 2012
  • Délai d’intervention moyen : moins de 20 minutes dans 80 % des cas (temps de traitement de l’appel compris)
  • Sapeurs-pompiers engageables en moins de 10 minutes : plus de 400 en journée, plus de 650 la nuit
  • 27 actes d’agression envers des sapeurs-pompiers
  • Un budget de 75,2 millions d’euros

Chiffres 2023, source : S.D.I.S. 25.

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