Depuis juillet dernier et le mouvement de grève le personnel de greffe n’hésite plus à manifester sa colère. Alors lorsque le micro leur est tendu - rarement ils en conviennent - ils sont une dizaine à se déplacer pour témoigner de leur quotidien du manque de moyens et des conditions de travail.
Ils sont un rouage essentiel de la justice. Ils sont le visage qui accueille le justiciable perdu dans le tribunal à la recherche de sa salle d’audience. Ils sont ceux que l’on voit à peine en audience installés sur un côté à moitié cachés par l’écran d’ordinateur - le seul dans la salle. Eux aussi portent la robe noire mais le prestige des avocats ou magistrats n’y est pas forcément associé. Pourtant quiconque souhaite un renseignement est renvoyé au personnel de greffe. Sans eux pas de procédure ils en sont le garant et en portent donc la responsabilité en cas de vice. Sans les greffiers la justice ne fonctionne pas au même titre que les magistrats. Pourtant depuis des années ces fonctionnaires et personnel de l’administration subissent une invisibilisation de leur métier et un manque de reconnaissance tant dans leur statut que leurs salaires. À Besançon une dizaine s’est rassemblée pour témoigner de leur quotidien devenu de plus en plus dur. Tous parlent d’une même voix même s’ils travaillent dans des services différents et n’ont pas les mêmes missions au quotidien.
L’invisibilisation
“Des logiciels qui ne fonctionnent pas nous obligent à reprendre tout le travail depuis le début le remplacement de collègues au pied levé. S’il y a une instruction un jugement des émeutes urbaines des permanences on vient chercher les greffiers. La justice c’est 24 heures sur 24. On a l’impression qu’on est indispensables mais invisibles. À chaque fait divers il y a un greffier. Le week-end trois magistrats sont de permanence un du Parquet un de l’instruction et un des juges et libertés pour un seul greffier.”
La rémunération
“Dans le contexte actuel il est difficile de faire grève même une journée si on ne veut pas s’arrêter de manger le 25 du mois. La rémunération n’est pas à la hauteur de ce qu’on nous demande. Quand on a une augmentation de 10 euros sur la paie ou 50 euros bruts c’est insultant quand les magistrats prennent 1 000 euros bruts par mois de prime en plus. Et on nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour nous augmenter.”
Le manque d’effectif
“On est un peu tout à la fois techniciens de la procédure de l’informatique techniciens de surface pendant le Covid. Il y a les contractuels mais il faut les former ils n’ont pas la culture juridique ils n’ont pas fait 18 mois d’école et ils sont plus payés ils ne prennent pas d’audience ni ne signent de jugement ils n’ont pas de formation sur les statuts. On forme énormément de stagiaires mais on a plutôt l’impression de les utiliser. Quand un collègue se plaint qu’il ne peut plus y arriver on lui colle un stagiaire. Et il ne faut pas oublier les problèmes logistiques pas de wi-fi pour l’ordinateur personnel du stagiaire pas d’accès informatiques etc. On passe du temps pour ça à un moment où on est déjà submergé. De toute façon le concours n’est plus attractif à Besançon il y a eu 13 présents sur 50 inscrits au concours.”
Le paraître au détriment du fonctionnel
“Ici au Palais on est dans le paraître. C’est beau il y a de grands écrans mais ce n’est pas fonctionnel. Les copieurs ne marchent pas il n’y a pas d’argent pour faire fonctionner la chaudière. L’hiver il fait 12 °C sous la robe on a doudoune des mitaines… Et l’été il fait plus de 35 °C dans les bureaux. Il paraît qu’il n’y a pas assez d’électricité c’est pour ça que l'informatique rame.”
La multiplication de la charge du travail
“Sur le même nombre d’heures on est sur plusieurs services à la fois donc on est en mode dégradé. Par exemple au bureau d’aide juridictionnelle il faudrait 3 personnes en plus. Dans une expérimentation on a eu deux greffiers pour nous aider mais qui étaient à 50 % sur un autre service. On a le double du volume à traiter avec une personne en plus au lieu de trois. Il y a eu beaucoup d’embauches d’assistants de justice pour aider les magistrats mais nous ça nous demande plus de boulot derrière. Tout est un cercle vicieux les gens sont démotivés usés donc en arrêt donc il y a moins de personnel. Si on n’en parle pas des greffiers on a quand même à cœur le service public. Car derrière les dossiers ce sont des divorces des dettes des victimes. Le justiciable en pâtit avec des délais de traitement qui se rallongent. On prend sur nos heures notre santé et quand on demande une simple reconnaissance on ne l’a pas.”