Plus aucun peuplement d’épicéa commun n’est épargné par l’appétit du scolyte typographe qui prolifère avec la multiplication des épisodes de sécheresse et de fortes chaleurs
Les dégâts actuellement visibles
Il suffit de randonner sur les crêtes jurassiennes pour constater l’apparition de tâches de plus en plus grandes d’épicéas victimes des insectes ravageurs et notamment du scolyte typographe. “Ce que l’on voit actuellement est la conséquence des attaques qui ont eu lieu ce printemps”, explique Mathieu Mirabel, responsable du département de la santé des forêts à la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt. L’intensification des attaques de scolytes est en lien avec un déficit hydrique associé à des températures élevées survenues au cours de ce printemps et en cette première moitié d’été, en particulier en altitude, affectant des zones peu habituées à connaître pareilles conditions météorologiques. “Les dégâts sont très visibles sur la zone des seconds plateaux et sur la haute chaîne jurassienne. On sait que les épidémies de scolytes sur les épicéas ont débuté en 2018. Le phénomène s’est nettement renforcé l’an dernier et l’épidémie progresse en altitude, notamment cette année où les surfaces atteintes sont au plus haut.”
Progression en altitude
Il n’y a plus de frontière, de seuil altitudinal. L’absence de précipitations orageuses est néfaste aux pessières qui se retrouvent affaiblies par le déficit hydrique. Les conditions sont favorables au développement des scolytes.
Si le chaud et le sec persistent jusqu’à l’automne, trois générations potentielles de typographes pourraient se produire comme ce fut déjà le cas en 2018-2019-2020-2022. “En altitude, les sols sont plus superficiels, ce qui renforce le stress hydrique des arbres”, ajoute Mathieu Mirabel.
Le suivi de la situation
Le service de l’état sanitaire des forêts utilise différents protocoles pour évaluer la situation. “On travaille avec des correspondants observateurs. Il s’agit surtout de techniciens forestiers des domaines publics ou privés. On a aussi mis en place des protocoles d’évaluation sur des espaces bien déterminés où l’on effectue des suivis sanitaires exhaustifs et réguliers. Pour calculer les surfaces touchées, on fait également appel à la télédétection en utilisant une méthode d’analyse créée par des chercheurs de l’I.N.R.A.”
Fragilisation par les catastrophes naturelles
Les peuplements peuvent aussi être fragilisés par des catastrophes naturelles. Comme ce fut le cas le 24 juillet dernier avec l’orage et les microrafales de forte intensité observé selon un axe Lever-Morteau-La Chaux-de-Fonds. Les dégâts infligés alors aux peuplements forestiers sont localisés, quelques dizaines d’hectares, mais d’une très forte sévérité. Dans le canton de Neuchâtel, plus impacté, cela représente plus de 1 200 hectares de surfaces touchées.
Ces arbres écimés et ces chablis constituent autant de sites propices au typographe. Faut-il s’attendre à voir d’autres épicéas dépérir sur fond d’épidémie ? La situation actuelle reste actuellement évolutive. Des foyers de scolytes liés aux attaques de ce printemps continueront à apparaître dans les semaines à venir et les attaques de cet été ne se révéleront qu’à la reprise de végétation au printemps 2024. C’est seulement à partir de ce moment que pourra être dressé un bilan complet.
Perspectives
Les populations de scolytes très élevées préfigurent une poursuite de la phase épidémique jusqu’à la mi-2024. Les mesures de lutte préventive sont toujours d’actualité même si les conditions météorologiques restent le premier facteur de régulation des populations de scolytes. “On invite toujours les propriétaires à détecter les attaques le plus tôt possible. Pour abattre et sortir rapidement de la forêt les arbres attaqués. C’est la même chose pour les chablis survenus lors des coups de vent.”