Au tribunal de Besançon, le manque d’effectifs, notamment de magistrats et de greffiers, se fait cruellement sentir. Depuis septembre, huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées et renvoyées. Pour les autres, la voilure est réduite.

La balance de la justice est-elle sur le point de vaciller ? Car si d’un côté les magistrats, personnel de greffe et administratif tentent de garder l’équilibre grâce à leur investissement et conscience professionnelle, ils ont d’un autre côté de plus en plus de mal à faire le poids face au manque de moyens récurrent et notamment d’effectifs. À Besançon depuis septembre huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées (c’est-à-dire renvoyées dans un avenir plus ou moins proche). À titre d’exemple fin septembre devait avoir lieu une audience dans laquelle la fromagerie Mulin de Noironte était appelée à comparaître pour répondre d’atteintes environnementales. En premier lieu cette audience était prévue début février 2023. Elle est finalement reportée au 29 mars 2024 soit plus d’un an d’attente ! Certes les audiences consacrées à l’environnement sont rarement prioritaires face à la masse d’affaires liées au trafic de stupéfiants, aux violences conjugales, aux conduites dangereuses, cambriolages, vols etc. Reste que cet exemple illustre bien un système judiciaire grippé.

Le manque d’effectifs et de moyens dans la justice n’est pas nouveau. Mais depuis septembre, au tribunal de Besançon, des audiences sont supprimées et renvoyées, faute de magistrats. Le désarroi des magistrats s'ajoute à celui des greffiers dont la colère gronde depuis cet été.

“En septembre nous sommes à moins 5 magistrats. Sur trois départs il y a deux arrivées de magistrats mais qui sont en formation donc ils ne sont pas tout de suite en juridiction” relève Alexandra Chaumet, substitut du procureur et déléguée pour le syndicat de la Magistrature. Au niveau des magistrats du siège ils sont moins 3 avec un poste vacant de juge pour enfants et deux congés maternité. Au Parquet, le départ pour Lons-le-Saunier de la substitut Julie Fergane n’a pas été remplacé. À cela s’ajoute le manque de juges ou de substituts placés dont l’objectif principal est de pallier temporairement les départs, congés, maladies… Or avec le surcroît d’activité, ils sont utilisés pour les postes vacants. Le service d’application des peines comptait un seul magistrat en septembre alors que la maison d’arrêt de Besançon est l’une des plus importantes de Franche-Comté. “Les débats ont été renvoyés, seules les urgences ont été traitées comme le non-respect de sursis probatoire, des évasions, des comparutions immédiates” souligne Alexandra Chaumet.

Alexandra Chaumet est substitut du procureur, et déléguée syndicale pour le Syndicat de la magistrature.

Les audiences collégiales au civil ont été réduites de 30 %, le pôle social de 10 %, les traitements du contentieux des affaires familiales réduit de 20 %. Or le juge aux affaires familiales traite un gros volume d’affaires qui peuvent devenir des nids à problèmes si elles ne sont pas traitées à temps. “On a conscience que derrière les dossiers il y a des vies qui sont impactées, c’est pour ça qu’on accepte les heures supplémentaires, qu’on ramène du travail le week-end parce qu’à un moment donné on n’a plus le choix. Certains collègues partent à 21 heures parce que le tribunal ferme sinon ils resteraient. Si quelqu'un tombe malade tout se grippe. Globalement j’estime avoir un salaire décent avec les primes mais ça ne vaut pas les heures et les responsabilités” remarque la déléguée syndicale. Les conséquences se font ressentir physiquement : burn-out, accidents vasculaires cérébraux… certains sont sur la corde raide. “On peut constater qu’il y a des efforts sur les effectifs mais combien de temps on va pouvoir encore tenir ?” s’interroge Alexandra Chaumet. Le budget de la justice prévoit le recrutement de 10 000 fonctionnaires d’ici 2027, 1 500 dans la magistrature, 1 800 pour les greffes ainsi que la création de la fonction d’attaché de justice. “Banco pour les renforts même si va se poser la question de la place pour les accueillir. Par ailleurs, tout le monde ne bénéficie pas de l’aide des contractuels qui ne sont pas non plus assez nombreux. En plus, cela provoque une surcharge de travail des greffiers qui s'ajoute à celle des magistrats” poursuit la substitut qui dénonce en outre le sous-dimensionnement du tribunal de Besançon par rapport aux effectifs.

Le syndicat de la magistrature réclame une véritable prise en compte de la charge de travail ainsi que plus de magistrats et de greffiers rapidement. “Comme à l’hôpital public, comme les médecins, on s’habitue à travailler dans l’indigence, sauf qu’on n’a pas leur vie entre nos mains mais leur liberté.” Usés, certains magistrats n’attendent plus rien, lassés par des promesses qui ne débouchent sur rien. Pire, ils déplorent la vision de l’opinion publique mécontente sur une justice lente, laxiste, vision qui contribue un peu plus au découragement de la profession.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Bisontine
Abonnez-vous en ligne en quelques clics
Abonnement La Presse Bisontine