La maison médicale de Roche-lez-Beaupré a bouleversé sa façon de travailler. Avec peu de masques mais une énergie folle, 5 médecins sont au front. Témoignage du docteur Amélie Terrin.
La Presse du Doubs : Qu'est-ce qui a changé au sein du cabinet médical depuis le début de l'épidémie ?
Amélie Terrin : La façon de travailler a été bouleversée ! Nous privilégions la téléconsultation. Lorsque cela n'est pas possible, nous recevons les patients. L'après-midi est réservée aux patients Covid+ ou suspects de Covid, le matin aux autres mais en nombre limité. Aujourd'hui, nous avons reçu 4 personnes contre 30 pour un matin ordinaire pour l'ensemble des médecins de la maison médicale. On limite les venues pour éviter les contacts.
Comment s'adapte l'équipe médicale ?
AT : Parmi les 5 médecins, un est chargé de la régulation et répond au téléphone, trois autres téléconsultent, le dernier se repose. Nous avons la chance de connaître nos patients et nous suivons un questionnaire type envoyé par le ministère de la Santé. Nous avons aussi un questionnaire à utiliser à chaque téléconsultation pour tout patient suspect de Covid. La prise en charge est codifiée et protocolisée ainsi que la surveillance. Depuis le 25 mars, les patients qui veulent accéder au cabinet doivent patienter dehors. Ils nous appellent et nous allons les chercher. Nous avons instauré cette barrière pour limiter encore une fois les risques de propagation du virus.
Pourquoi cette précaution supplémentaire ?
AT : Parce que nous manquons d'équipements, de masques, de blouses, de charlottes ! Ce matin, alors que je l'avais eu la veille au téléphone, un patient Covid + est entré sans protection dans le cabinet parce qu'il s'était blessé chez lui ! Je lui en voulais car il a pu potentiellement contaminé certains de mes collègues.
Les fameux masques annoncés par le président de la République sont-ils arrivés ?
AT : On a reçu deux boîtes de 50 masques. Nous manquons d'équipements mais grâce à la téléconsultation, nous pourrons tenir. Heureusement, nos collègues kinés et dentistes qui ne consultent pas nous ont donnés des blouses et nous ont mis à disposition leur douche située à proximité du cabinet afin que nous puissions nous laver.
Consultez-vous des malades à domicile ?
AT : Si nécessaire, nous devrons nous déplacer. On gère les urgences et avons par exemple décidé de limiter le recours aux prises de sang non essentielles afin d'éviter d'exposer les infirmières libérales avec lesquelles nous travaillons. J'ai par exemple prescrit une prise de sang en trois jours alors que j'en prescris plus. Si une personne âgée est seule chez elle et a besoin de soins, on demande l'hospitalisation.
Moralement, comment allez-vous ?
A.T. : On fait au mieux mais on se rend compte que c'est compliqué du fait du manque de matériel. Le week-end dernier, nous étions inquiets de savoir comment nous organiser mais nous nous sommes serrés les coudes entre collègues et nous avons mutualisé les compétences pour trouver des solutions, comme la téléconsultation. Les patients comprennent, on se rend disponibles pour eux.
Vous deviez il y a quelques jours quitter la maison médicale pour une autre expérience professionnelle. Pourquoi avez-vous décidé de reporter votre départ ?
AT : J'ai décidé de rester au cabinet médical le temps de l'épidémie pour être auprès de mes collègues et de mes patients. Il était inenvisageable pour moi de partir dans un tel moment. Cette épreuve, je veux la traverser avec mes collègues, et je veux être présente pour mes patients même si je sais que les prochaines semaines seront les plus difficiles que j'aurai été amenée à vivre.
Propos recueillis par Édouard Choulet