La chaîne de solidarité, créée il y a un an autour de l’accueil de jeunes migrants à la Malate, se perpétue et donne lieu à de belles histoires. Comme celle de Badou, qui se rêve couturier, et a permis de confectionner des sacs de petit bois pour l’hiver.

Derrière sa machine à coudre, le jeune Badou est concentré. Discret, il explique avoir appris très tôt la couture en Côte d’Ivoire. « Il y avait un Monsieur dans mon quartier qui fabriquait des robes et des vêtements traditionnels. Là-bas, tout le monde en porte. J’étais tout petit, je me suis formé avec lui. » Aujourd’hui scolarisé dans un lycée professionnel à Montbéliard, après de longues démarches et bien que toujours en attente de reconnaissance administrative, il aimerait poursuivre dans cette voie, en suivant un C.A.P. couture. En attendant, il continue de s’exercer sur les deux machines qui lui ont été prêtées lorsqu’il revient les week-ends à la Malate. Entre deux points de couture, il distille ses conseils à Moussa, un autre migrant hébergé sur place qui a souhaité apprendre à ses côtés. Bien sûr, ce matériel ne lui permet qu’une pratique limitée - « on ne peut pas tout faire avec ces machines », reconnaît-il - mais « c’est déjà bien », à son sens.

Badou a appris à coudre en Côte d’Ivoire et l’enseigne à son tour à Moussa (à gauche).

En plus de réparer les vêtements, Badou a notamment déjà cousu une robe pour l’une des habitantes bénévoles et s’apprête à réaliser un tablier pour une autre. Grâce aux divers dons de tissus et de fils (reçus de particuliers, ou récupérés chez Emmaüs), il s’est également lancé dans la fabrication d’une soixantaine de sacs de petit bois. Mis en vente cet hiver auprès des habitants, ceux-ci ont permis de récolter des fonds, pour couvrir les besoins quotidiens du groupe (nourriture et hygiène essentiellement).

L’idée, suggérée par un tiers, a déclenché tout un tas de bonnes volontés, comme souvent depuis l’accueil de ces jeunes. « Une personne a offert les poutres en bois, provenant d’une bâtisse en rénovation. Quelqu’un a proposé de les débiter en tronçon et d’autres ont prêté le matériel ou aidé les jeunes à les couper en petits morceaux, en plus de l’atelier couture », explique Catherine Pardonnet, parmi les encadrantes bénévoles investies depuis le début.

Ils sont une douzaine comme elle à continuer de les accompagner. Aucune commune du Grand Besançon n’ayant finalement pris le relais comme espéré, suite à l’appel de solidarité lancé l’hiver dernier. La mobilisation reste donc, ici, plus que jamais d’actualité, bien qu’un peu moins vive après plus d’un an de soutien. Leur situation a aussi évolué. Sur les 13 jeunes migrants accueillis dans l’urgence en décembre 2023, ne restent plus aujourd’hui que six jeunes toujours en attente de papiers. « Sur le groupe de départ, certains ont été reconnus mineurs, d’autres sont partis dans des pays anglophones », explique Catherine Pardonnet, qui regrette que les démarches soient si compliquées. « Certains de ceux qui sont toujours là n’ont même pas encore eu leur premier rendez-vous au juge. Et ils n’ont pu être scolarisés que depuis un mois. »

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Le maire de la commune, Pierre Contoz, ne comprend pas non plus cette errance administrative. « Les droits internationaux de l’enfant ne sont pas respectés. On les rend invisible, on freine leur intégration. Or, ce n’est bénéfique pour personne, ni pour eux, ni pour nous. » Ce type de projet d’accueil, porté dans chaque collectivité, pourrait être une solution à ses yeux. Il en veut pour preuve les résultats obtenus ici. « Il y a eu débat, c’est normal. Au début, on a été interpellé, mais cela n’a pas duré », note le maire. « Certains habitants, qui n’y étaient pas favorables, viennent nous voir aujourd’hui pour nous féliciter. Cela a même permis de recréer des liens dans la commune », se réjouit-il. « Je suis convaincue qu’on passe à côté de quelque chose », abonde Catherine Pardonnet qui, sans faire d’angélisme - « ce sont des ados, il faut parfois pousser des coups de gueule » -, y voit une expérience humaine enrichissante.


Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Bisontine
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