Le président de Maty s'exprime après l'annonce d'un plan de licenciement par le bijoutier bisontin
C’est la deuxième fois seulement de son histoire, après un premier plan social en 1993, que le bijoutier bisontin Maty procède à une vague de licenciements. La croissance devrait être de retour en 2021 prédit Patrick Cordier, président du directoire du groupe Gemafi propriétaire de Maty. Interview.
La Presse du Doubs : Vous annonciez fin août, 54 suppressions d’emplois chez Maty qui accumule les pertes depuis plusieurs années. Êtes-vous inquiet pour la pérennité de l’entreprise ?
Patrick Cordier : Sur le long terme, non, je ne suis pas inquiet. Deux raisons me poussent à l’optimisme. D’abord la structure du groupe Gemafi. Malgré les ennuis de Maty, le groupe reste financièrement solide avec des fonds propres importants. Les fondateurs et la famille Mantion ont toujours su prévoir les éventuels coups durs. Avec ses différentes sociétés, le groupe Gemafi est quasiment à l’équilibre sur 2019. La deuxième raison qui me pousse à être confiant, c’est le recentrage que l’on est en train d’opérer sur l’ADN de Maty, à savoir une offre de qualité qui n’est pas orientée bas de gamme mais qui reste accessible. Le plan marketing qui accompagnera ce repositionnement devrait porter ses fruits dans les prochains mois.
La stratégie d’ouverture de magasins lancée en 2010 n’était donc pas la bonne ?
PC : Notre stratégie était d’allier le digital et le physique et nous croyons toujours à cela, mais nous nous sommes aperçus que certains magasins tels qu’ils avaient été conçus, dans les centres-villes, sont insuffisamment rentables pour continuer à vivre. D’où cette décision récente de supprimer 8 de nos 37 magasins. Je précise qu’on ne décide pas de fermer ces 8 magasins parce qu’ils ne sont pas suffisamment rentables, mais parce qu’ils ne sont pas rentables du tout. Aucun magasin de la partie Est de la France n’est concerné. Parallèlement, le web n’a pas compensé entièrement la baisse des ventes par correspondance. On s’aperçoit qu’il est beaucoup plus difficile de fidéliser les clients sur le web qu’avant avec la vente par catalogue. Ajoutons à cela les mouvements sociaux de fin 2018, fin 2019, et la crise sanitaire de ce printemps, et on aboutit à cette obligation de procéder à ce plan de suppression d’emploi que nous avons taillé au plus juste. 16 postes essentiellement de logistique sont également concernés au siège bisontin. La hausse du cours de l’or ne nous a pas aidés non plus.
Ce plan ne risque-t-il pas d’en annoncer d’autres ?
PC : Non. Nous comptons sur un retour à la rentabilité dès l’année prochaine. Ce redressement se fera grâce à des actions dans les domaines de l’offre en matière de collections, ainsi que par une politique marketing digital entièrement revue avec une partie “data” qui nous permettra de mieux connaître nos clients. Nous sommes en train de refondre entièrement nos méthodes sur le web, c’est un travail énorme.
Plusieurs directeurs se sont succédé chez Maty ces dernières années et aucun n’a réussi à redresser la barre. D’où votre retour aux commandes directes de l’entreprise ?
PC : Je devais en effet partir en retraite à l’été 2019 et le conseil de surveillance m’a rappelé. Nous sommes en train de recruter un nouveau directeur. Un nouveau directeur marketing est déjà en place. Tous ensemble nous remettrons la barque Maty à flot en repositionnant l’entreprise sur l’ADN qui a fait son succès. La promesse de Maty, c’est l’accessibilité de ses bijoux, mais dans toutes les gammes de prix, et c’est aussi le service.
"Maty a épuisé sa marge de sécurité ces cinq dernières années."
Le temps presse ?
PC : Nous voulons faire les choses bien, mais en effet, Maty a épuisé sa marge de sécurité ces cinq dernières années. C’est le redressement des ventes qui sauvera Maty. Nous sommes confiants car nous nous donnons tous les atouts pour repartir dans la bonne direction. Nous comptons bien fêter les 70 ans de Maty l’année prochaine dans une plus grande sérénité. Depuis la fin du confinement, l’évolution de notre commerce tend à démontrer que les orientations récentes que nous avons prises en recentrant nos gammes de bijoux vont dans le bon sens. Nous retrouvons des niveaux de paniers plus intéressants. Mais le vrai test, ce sera la fin de l’année.
Propos recueillis, par J-FH
Maty, en chiffres
- La société Maty (distribution de bijoux) réalise 61 millions d’euros de chiffre d’affaires
- Le groupe Gemafi (qui comprend aussi la société de fabrication des bijoux, la S.F.M., et Gem’services, une société de routage) totalise 80 millions d’euros de chiffre
- Le groupe emploie au total 550 salariés, dont environ 250 sur Besançon (435 à la distribution et une centaine à la fabrication), plus la holding et Gem’services
- Le groupe Gemafi appartient à 100 % aux 4 enfants du fondateur Gérard Mantion