Isolant thermique typique des massifs montagneux, la fabrication du tavaillon artisanal persiste dans la région.
Il choisit précautionneusement les épicéas qui feront les tavaillons amenés à recouvrir les façades des fermes ou des maisons contemporaines. Originaire de Montlebon, Romain Poulet est un passionné qui préserve un savoir-faire. Il en a fait son métier.
Le tavaillon est à la ferme comtoise ce que le colombage est aux maisons alsaciennes. Une tradition “et non un folklore” précise d’emblée Romain Poulet, 31 ans, le dernier “tavaillonneur” du Haut-Doubs. Rares sont les professionnels à travailler comme les aïeux le faisaient. Romain fait partie de ceux-là. Il y tient. Ne lui parlez pas de ces pseudo-artisans qui achètent leurs tavaillons dans des usines industrielles autrichiennes avec un bois dont l’origine n’est pas connue pour les revendre trois fois le prix. Romain n’est pas de ce bois-là !
Une transmission de savoir-faire.
Le jeune homme, charpentier à la base, s’est spécialisé depuis trois ans dans la fabrication, la pose, la vente de tavaillons, une activité propre au Haut-Doubs qu’il partage avec Loïc Gautheret, tavaillonneur installé à Septmoncel dans le Haut-Jura. Ce dernier a appris à Romain les bases et les ficelles du métier pour clouer les tavaillons afin qu’ils protègent efficacement la façade des intempéries. Les deux garçons ont créé la marque “Haut-Jura tavaillons” et se partagent le territoire pour réaliser les chantiers : à Romain le Haut-Doubs, à Loïc le Haut-Jura.
Originaire de Montlebon où une partie de sa famille réside encore, Romain s’est “expatrié” à By, canton de Quingey, où il a trouvé “à moindres frais” une ferme et un grand atelier pour travailler. Trouver la même surface à moindre coût dans le “haut” eût été impossible.
“Ces techniques ont du sens.”
L’hiver se termine et la fabrication de tavaillons avec : “Le tavaillon, c’est toute la cohérence de la montagne et du métier : l’hiver, on le passe au chaud à l’atelier pour fabriquer des tavaillons épais de 6 mm au maximum, et à partir de mai on va les poser” explique l’artisan. Il parle des bois comme s’il parlait d’une personne : “Cet épicéa-là vient de la forêt de la Haute-Joux. Je l’ai choisi car il a grandi de manière linéaire. Il ne fait que 50 centimètres de diamètre mais il a 250 ans d’âge. Je dois le respecter : il fera d’excellents tavaillons solides et denses qui résisteront au temps. Il a été abattu à l’automne, en phase de repos végétatif et en lune décroissante, période au cours de laquelle ses tissus comportent moins d’eau et fournissent donc un bois moins absorbant” souligne le jeune papa. Les tavaillons ont la particularité de faire 6 mm, “la taille idéale car cela leur permet de sécher au moindre vent ou rayon de soleil” dit-il.
Des chantiers, Romain n’en manque pas. Il vend environ 60 euros la pose au m2 de tavaillon : cela peut paraître coûteux mais le prix est “ridicule” comparé aux heures passées pour ce travail ! Le Parc naturel du Haut-Jura fait régulièrement appel à lui et à son collègue. Le musée de Nancray de même pour rénover la future ferme comtoise mortuacienne. Avec ses mains, Romain sait tout faire : il peut faire une charpente en bois équarri à la doloire (N.D.L.R. : une hache) comme les anciens savaient le faire. “Aujourd’hui encore, ces techniques ont du sens, et ne sont pas réservées à une clientèle particulière” dit le professionnel. Il n’a donc pas besoin d’acheter son bois à des négoces. Un vrai savoir-faire que Romain doit valoriser en se faisant connaître. Les fermes du Haut-Doubs ont leur ange gardien.