Comment la Haute autorité de santé argumente-t-elle pour justifier le retrait de la certification à l’hôpital de Pontarlier ? Les experts ont passé en revue les parcours de soins, le personnel et l’établissement.
La sanction est tombée il y a quelques semaines, sévère et implacable : “Au vu des éléments mentionnés dans le présent rapport, issus de la visite sur site, la Haute Autorité de santé décide la non-certification de l’établissement.” Et dans un rapport détaillé, le gendarme indépendant de la santé explique les raisons qui l’ont amené à ne pas certifier le C.H.I.H.C. (Centre hospitalier intercommunal de Haute Comté).
Cette procédure de certification, mission confiée à la Haute Autorité de Santé, est une procédure d’évaluation externe des établissements de santé publics et privés effectuée par des professionnels (des pairs) mandatés par la H.A.S. : on les appelle les experts-visiteurs. Cette procédure, effectuée tous les quatre ans, indépendante de l’établissement et de ses organismes de tutelle, porte sur le niveau de qualité et de sécurité des soins délivrés aux patients.
Ce rapport de visite porte sur trois chapitres essentiels. Le premier concerne directement le patient dont les besoins spécifiques sont pris en compte, de la même façon que ses attentes et ses préférences, par les experts de la H.A.S. “Pendant l’expertise, l’implication comme partenaire de sa prise en charge des patients-tests, tout comme celle de ses proches et aidants, est favorisée par l’expression de son point de vue sur son expérience et le résultat des soins”, note la H.A.S.
Le deuxième chapitre concerne les équipes de soins. “Cette certification vise à apprécier leur capacité à rechercher la pertinence, l’efficacité et la sécurité des soins, à se concerter et se coordonner tout au long du parcours du patient. Elle met également l’accent sur la maîtrise des risques liés au soin.”
Le troisième chapitre, enfin, concerne l’établissement et sa gouvernance. À côté de tous les points positifs relevés, et ils sont nombreux, la H.A.S. a pointé ces reproches.
Concernant le patient, les experts ont reproché les points suivants :
“Certains secteurs ne mettent à disposition qu’une T.V. pour deux patients et d’autres secteurs n’offrent qu’une douche pour 8 patients, limitant ainsi l’accès à des soins d’hygiène au moment voulu par les patients. L’hygiène des locaux est assurée mais les locaux sont vieillissants. Par ailleurs, les locaux d’attente aux urgences ne permettent pas toujours de garantir le respect de l’intimité. De même, l’établissement utilise (soins continus, urgence et psychiatrie) des systèmes de vidéosurveillances qui ne sont pas conformes au respect de l’intimité et de la dignité des patients. Les soignants sont sensibilisés aux bonnes pratiques pour respecter la dignité des patients, la confidentialité, et s’adaptent aux locaux qui ne le permettent pas toujours. En effet, aux urgences, les patients installés en salle d’attente sont appelés par leur nom ce qui ne permet pas de garantir la confidentialité. Par ailleurs, en raison de l’absence de locaux adaptés, la surveillance des enfants alités dans le couloir des urgences s’effectue à travers le bureau vitré des soignants. Lors de la consultation anesthésie, l’enfant reçoit un dessin à colorier lui décrivant son parcours mais il n’existe pas de passeport ambulatoire adapté.”
Concernant les équipes de soins, les experts ont reproché les points suivants :
“L’évaluation des délais d’entrée en soins en psychiatrie ne fait pas l’objet d’une analyse permettant aux équipes d’identifier des axes d’amélioration. Dans certains services, les modalités de remise de la lettre de liaison à la sortie, suivies par l’établissement, ne sont pas conformes aux attendus définis dans le cadre des indicateurs qualité sécurité des soins (I.Q.S.S.). Des staffs quotidiens et hebdomadaires pluriprofessionnels et la coordination de la prise en charge au sein des différents secteurs concourent à la qualité de la mise en œuvre des projets de soins. Néanmoins, les échanges d’information entre les secteurs interventionnels et les secteurs de soins restent à développer, au même titre que l’analyse des écarts de programmation qui permettrait aux équipes de chirurgie, d’anesthésie et des secteurs interventionnels de mettre en place des actions d’amélioration. Des audits et des évaluations de pratiques professionnelles sont réalisés sur la thématique du risque infectieux par l’E.O.H. (Équipe opérationnelle d’hygiène) à l’échelle institutionnelle : équipements de protection individuelle, etc., toutefois, l’évaluation des pratiques professionnelles en matière d’antibioprophylaxie n’est pas mise en œuvre. Aussi, la tenue professionnelle au bloc opératoire n’est pas différenciée de celle des autres secteurs d’activité ce qui ne permet pas de garantir que cette dernière soit strictement dédiée au bloc opératoire. De même pour les brancardiers qui entrent en S.S.P.I. (salle de réveil N.D.L.R.) sans masque, ni charlotte, ni tenue dédiée. Les chariots dédiés à l’administration des médicaments ne sont pas toujours sécurisés et les locaux au sein desquels ils sont stockés non verrouillés (à titre d’exemple, le chariot de médicaments de la salle de réanimation au bloc obstétrical). Par ailleurs, dans certains secteurs d’activité, le médicament à risque n’est pas identifiable à toutes les étapes de la prise en charge médicamenteuse, comme en pédiatrie où la dobutamine est identifiée comme médicament à risque sur la liste mais n’est plus identifiée comme tel dans l’armoire de dotation ou encore l’absence de liste de M.A.R. (médicaments à risque) en réanimation pédiatrique. Les règles de stockage et d’identification des M.A.R. ne sont pas toujours respectées. Dans certains services, les coffres dédiés au stockage de stupéfiants contiennent des objets qui ne leur sont pas destinés (couteau, argent). Par ailleurs, le chlorure de potassium identifié M.A.R. injectable est mélangé à d’autres injectables dans une armoire à médicaments installées dans une salle de soins des urgences non verrouillée. Le relevé des températures des réfrigérateurs contenant des médicaments n’est pas quotidien. Certains réfrigérateurs disposent d’une alarme qui n’est pas répercutée, comme en chirurgie. En médecine, il a été constaté l’absence du port d’équipement de protection individuel (lunettes, tablier) lors de la pose et du retrait d’une chimiothérapie injectable.”