Chercheur en microbiologie et spécialiste de la maladie du poumon fermier, Gabriel Reboux publie un roman qui se nourrit de ses connaissances scientifiques. Son livre Darwin, “Dieu et les éleveurs de montbéliardes” s’inspire de situations réelles observées dans des fermes du département.

La Presse Pontissalienne : Vous êtes ingénieur chercheur en microbiologie, désormais en retraite. Vous avez à votre actif près de 200 publications scientifiques. Pourquoi écrire un roman aujourd’hui ?
Gabriel Reboux : J’avais envie de quitter l’écriture scientifique qui est très contraignante. C’est une fiction basée sur mon expérience. Après avoir parcouru toutes ses fermes, j’avais un sentiment de gâchis car j’avais beaucoup de matières, sur des connaissances très locales. Les particularités d’élevage dans chaque ferme ne sont pas forcément connues par les agriculteurs. Le livre montre aussi différentes structures d’élevage agricoles.

Gabriel Reboux travaille depuis plus de 30 ans sur la maladie du poumon de fermier. Aujourd’hui à la retraite, il utilise ses connaissances scientifiques our nourrir ses romans.

L.P.P. : Pendant près de 30 ans, vous avez consacré vos recherches sur le poumon fermier. Concrètement, qu’est-ce que cette maladie ?
G.R. : C’est une maladie liée à l’utilisation du fourrage, elle est plus importante dans le Doubs que dans d’autres régions d’élevage. Au Canada, par exemple, elle a reculé avec l’utilisation de l’ensilage. Pour la production de comté, si le foin n’est pas sec, il amène une aérosolisation de moisissures. Celles-ci ne jouent pas sur la qualité du lait ni sur l’appétence des animaux mais peuvent être dangereuses pour le poumon du fermier. Il y a aussi un certain nombre de légendes autour du poumon fermier. Par exemple, des foins qui n’émettent pas de poussière peuvent être aussi dangereux.

L.P.P. : Quels sont les symptômes de la maladie pour l’agriculteur ?
G.R. : De la fièvre tous les jours. Quelques heures après la manipulation des foins, de la fièvre apparaît, autour de 38,5 °C, elle diminue puis réaugmente. Elle provoque un emphysème (le poumon détruit se distend, augmente de volume ce qui comprime la cage thoracique et les muscles respiratoires, empêchant l'expiration totale de l'air, N.D.L.R.), le poumon est de moins en moins efficace. La forte dyspnée et la fièvre récurrente sont donc les symptômes de la maladie qui se déclenchent généralement autour de 50-60 ans à force d’exposition à la moisissure.

L.P.P. : Comment évolue la maladie ?
G.R. : Elle est peu mortelle, 1% des décès sont directement liés à la maladie mais elle enclenche une perte de chance de vie. On a la maladie à vie mais un retour est possible. On a constaté, dans un laps de temps équivalent à 5 ans, si l’agriculteur est à la retraite et s’éloigne de la ferme, une amélioration de sa santé respiratoire.

L.P.P. : Quelles mesures peuvent mettre en place les agriculteurs pour éviter et/ou lutter contre la maladie ?
G.R. : Il faut sécher le foin de façon importante mais pas non plus de manière super intense. L’agriculteur se protège mieux avec le masque. Quant à moi, je préconise le port d’un heaume à ventilation. Car il faut 4 heures pour que la moisissure redescende d’un mètre. Entre deux traites, les micro-organismes ont à peine le temps de redescendre au sol. Mais l’équipement coûte un peu cher.

L.P.P. : Le monde agricole est-il sensibilisé à cette maladie ?
G.R. : La maladie est en recul depuis 25 ans. En 2000, on traitait 8 cas par an au C.H.U. Aujourd’hui, on est plutôt sur 4 cas par an.

L.P.P. : Votre roman a-t-il pour objectif, entre autres, de faire évoluer les mentalités ?
G.R. : Oui, il y a une certaine vertu pédagogique. Car il reste une forte culpabilité chez les agriculteurs malades, liée à des superstitions et à l’idée que, s’ils sont tombés malades, ils ont mal fait leur travail. Et puis, peu à peu, l’étude de cette pneumopathie a suscité un désintérêt croissant avec seulement six études publiées en 2021 contre 40 à 50 études entre 1970 et 1990.

L.P.P. : Insolite et surprenant de mélanger Darwin, Dieu et les montbéliardes. Pourquoi ?
G.R. : Ce livre va au-delà du monde agricole, j’ai beaucoup travaillé sur Darwin et essayer de le rendre accessible. Aujourd’hui, son dénigrement réaugmente. Le titre met en avant l’aspect évolution. Mais l’évolution a plusieurs déclinaisons possibles. Le Darwinisme, mais également l’évolution des races montbéliardes et l’évolution de la religion mennonite qui évolue vers un statut plus moderne.

L’histoire de “Darwin, Dieu et les éleveurs de montbéliardes”

Mélanie est interne en médecine et Martin technicien de laboratoire. Ensemble, ils visitent de nombreuses fermes pour une étude sur la maladie du “poumon fermier”, qui sévit parmi les éleveurs de Franche-Comté. Leurs personnalités sont différentes : elle est croyante, issue d’une famille d’agriculteursmennonites, lui est athée, citadin, et fervent défenseur des acquis de la science. Lors des trajets, ils échangent sur leur conception du monde. Tout semble les opposer,mais finalement ils apprennent à s’apprécier et s’accommodent de leurs différences qui les font évoluer…

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Cet article vous est proposé par la rédaction de La Presse Pontissalienne
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