La programmation du 77ème Festival de musique de Besançon a été dévoilée. Installée dans de nouveaux locaux au centre-ville, l’équipe du Festival espère retrouver la fréquentation d’avant-Covid. Son directeur lance un nouvel appel aux élus pour la création d’une salle digne de ce nom
La Presse Bisontine : Avec 19 000 festivaliers et le concours de chefs d’orchestre remporté par un Français, le cru 2023 du Festival a été excellent. Qu’attendez-vous de l’édition 2024 dont la billetterie vient d’ouvrir ?
Jean-Michel Mathé : En effet, nous avons vécu une superbe édition 2023. Avec 19 000 spectateurs (dont 11 000 payants), on n’a pas encore retrouvé les 25 000 spectateurs de 2019 (dont 15 000 payants). La crise sanitaire nous a beaucoup affectés comme de nombreuses manifestations culturelles de ce type. Cette année, sans le concours, on ambitionne de retrouver la fréquentation de 2018 qui était de 18 000 spectateurs.
L.P.B. : Quelle sera la couleur de cette édition 2024 programmée du 13 au 22 septembre ?
J.-M.M. : La grande nouveauté, c’est le déplacement du concert d’ouverture des Prés-de-Vaux à la Gare d’Eau. Pour deux raisons. D’abord pour une question de coût. Avec un budget de 75 000 euros avec la grande scène installée aux Prés-de-Vaux, on estime qu’il y avait sans doute des économies à faire, d’où cette décision d’organiser ce concert à la Gare d’Eau, avec une scène plus petite, et des spectateurs qui pourront s’installer dans les espaces verts, comme pour un pique-nique. D’ailleurs, le concert débutera à 19 heures. Cette formule nous permettra d’économiser au moins 20 000 euros. L’autre raison, c’est pour ouvrir encore plus le Festival sur la ville. Aux Prés-de-Vaux, ne venaient finalement que les personnes déjà intéressées par la musique classique. L’organiser à la Gare d’Eau nous permettra sans doute de sensibiliser ou de toucher plus de monde, notamment ceux qui se baladeront en ville. Le risque qu’on prend, c’est évidemment avec la météo, et il n’y aura pas de repli en cas de pluie.
L.P.B. : Et pour le reste ?
J.-M.M. : On garde l’A.D.N. de ce festival qui est basé sur les grandes formations symphoniques. Nous aurons de très beaux rendez-vous, à Besançon bien sûr, mais aussi à Dole, Vesoul et Arc-et-Senans notamment. Et toujours de nombreux rendez-vous gratuits, les apéro-jazz place Granvelle, etc.
L.P.B. : Les festivals comme celui de Besançon doivent-ils être de plus en plus vigilants concernant leur bilan carbone ?
J.-M.M. : Nous y veillons, bien sûr. Quand on programme une formation étrangère, c’est désormais dans le cadre d’une de leurs tournées. On évite maintenant les allers et retours d’un orchestre juste pour venir à Besançon. C’est aussi de notre responsabilité de veiller à cela. Les collectivités nous donnent de l’argent, on se doit d’être vigilant sur ces points.
L.P.B. : Le Festival de Besançon a été créé en 1948, il est un des plus anciens festivals d’art en France avec Cannes pour le cinéma et Avignon pour le théâtre. Mais il n’a jamais eu la notoriété de ces derniers. Comment l’expliquez-vous ?
J.-M.M. : L’axe principal de ce festival est la musique symphonique, avec des formations de renom mais qui reste, depuis toujours et de par son créneau qui est la musique classique, un événement régional. Et avec un budget qui n’a rien à voir avec les rendez-vous internationaux comme Salzbourg, Édimbourg ou Aix-en-Provence dont le budget dépasse les 20 millions d’euros, contre 1,2 million pour le Festival de Besançon. On ne pourra jamais rivaliser. Les programmations haut de gamme qu’on propose, les mélomanes peuvent également les retrouver ailleurs dans le monde. Ce qui reste unique au monde à Besançon, c’est son concours de chefs d’orchestre. De plus, on n’a pas les structures adaptées pour changer de dimension.
L.P.B. : On en revient à la sempiternelle question du manque de salles à Besançon. Vous continuez à le déplorer ?
J.-M.M. : Ce problème existe depuis 1958, quand le théâtre a brûlé et qu’on la reconstruit trop vite, et mal. Depuis, il y a eu plusieurs autres ratés, avec Micropolis d’abord où on aurait pu prévoir une telle salle de musique. Ensuite avec la Cité des arts, qui est un magnifique outil mais dans lequel on aurait pu imaginer une salle de 1 000 à 1 200 places. Et avec Saint-Jacques enfin où Jean-Louis Fousseret avait esquissé l’idée d’un centre des congrès modulable en auditorium. Mais ce projet a été enterré par l’actuelle municipalité qui a fait d’autres choix. L’absence de salle est évidemment un handicap pour le festival, mais aussi pour l’Orchestre Victor-Hugo. Je pense clairement que sans nouvelle salle, à terme, le Festival de Besançon et l’Orchestre Victor-Hugo sont en danger.
L.P.B. : Vous y croyez encore ?
J.-M.M. : Prendre la décision de construire une salle de musique adaptée est un acte politique. Quand le maire de Mulhouse a décidé de faire la Filature il y a une trentaine d’années, il était critiqué et aujourd’hui tout le monde plébiscite cet outil. Cette question de salle est à mon sens un vrai sujet pour les prochaines élections municipales. Ce n’est pas un caprice, sachant qu’une salle participe aussi au rayonnement d’une ville. S’il n’y a pas un geste fort d’ici quelques années, nous sommes menacés de disparaître. En septembre en plus, toutes les salles de Besançon sont sollicitées. Ce ne doit pas être un tabou non plus d’évoquer cette question de calendrier.
L.P.B. : Vous avez passé une dizaine d’années à Lyon, puis une autre dizaine à La Chaise-Dieu, et cela fait 12 ans que vous êtes à Besançon. Avez-vous des envies de changements ?
J.-M.M. : Je me sens très bien à Besançon. Jamais je me suis ennuyé à ce poste. Même s’il y a quelques frustrations parfois, qu’il faut se battre pour attirer de nouvelles sources de financement, notamment avec le mécénat actuellement, je me sens bien à ce poste. Après, dans la vie, il y a des cycles, ça fera peut-être du bien aussi au Festival d’avoir du sang neuf un jour, mais pour l’instant, je reste !