Le 3 mars dernier, le peuple suisse s’est prononcé à 58,2 % en faveur d’un 13ème mois de rente A.V.S., suivi dans ce sens par 15 cantons sur 23. La mesure devrait entrer en vigueur en 2026 à la grande satisfaction de Martine Docourt, députée P.S. du canton de Neuchâtel au Conseil national. Entretien

C’est à dire : C’est un résultat inespéré ? Une victoire historique de la gauche suisse ?
Martine Docourt : Je parlerais d’une victoire sociale et syndicale. C’est l’union syndicale suisse qui est à l’origine de cette initiative défendue avec le soutien des partis de gauche.

Càd : Pourquoi une adhésion si massive pour cette mesure ?
M.D. : Ce résultat s’explique au vu de la situation sur le pouvoir d’achat, au vu de la précarité, de l’inflation, de l’évolution globale du coût de la vie. Dans ce contexte, on a obtenu cette 13ème rente A.V.S.

“C’est un vote historique”, confirme Martine Docourt, députée P.S. du canton de Neuchâtel au Conseil national.

Càd : La Suisse n’est pas un paradis social ?
M.D. : Non, loin de là. Il y a en Suisse, beaucoup de personnes qui vivent en précarité. Plus d’une personne sur dix a recours à des prestations complémentaires à la retraite.

Càd : Pouvez-vous nous résumer le fonctionnement de la retraite en Suisse ?
M.D. : Notre système retraite combine un premier pilier A.V.S. (assurance-vieillesse et survivants) qui doit couvrir les besoins vitaux et un second pilier Prévoyance professionnelle qui correspond au maintien du niveau de vie habituel. Renforcer le premier pilier est la mesure la plus équitable car elle est financée par un système dit de répartition dont la principale source sont les cotisations salariales. L’enchérissement des denrées alimentaires, de l’énergie, des loyers et des primes maladie entraîne une augmentation du coût des besoins vitaux. C’est pourquoi, face à tous ces éléments additionnés, une majorité de la population et des cantons a voté pour cette 13ème rente A.V.S. malgré une campagne assez forte des milieux économiques et des partis de droite pour combattre cette initiative.

Càd : L’absence de contre-projet proposé par les opposants participe aussi du succès de cette initiative ?
M.D. : Oui peut-être car la population s’est prononcée sur une seule initiative. On a eu beaucoup de discussions sur les rentes. L’A.V.S. fonctionne depuis 75 ans et ce système a survécu à toutes les crises. C’est quelque chose de très stable et ce 13ème mois de retraite ne mettra pas en péril les finances de l’A.V.S. La gauche suisse a même suggéré d’augmenter les cotisations salariales pour couvrir l’augmentation de cette rente A.V.S. qui avait déjà fait l’objet d’une réforme en 2022 avec l’alignement de l’âge de départ de la retraite des femmes à 65 ans comme pour les hommes. Le nombre de personnes actives en Suisse ne cesse de progresser, tout comme la productivité et cela permet aussi de consolider le budget de l’A.V.S., contrairement à ce que prétend la droite.

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Càd : Les opposants estiment aussi que cette augmentation de retraite ne doit pas s’appliquer aux retraités suisses qui sont partis vivre à l’étranger ?
M.D. : La question qui se pose, c’est de savoir pourquoi ils sont partis. C’est souvent pour des questions de revenus. L’A.V.S. a du sens par exemple pour les femmes qui ont dû s’arrêter de travailler pour élever leurs enfants. Avec ce système, elles ne sont pas discriminées. Dans le financement de l’A.V.S., les cotisations ne sont pas plafonnées contrairement aux rentes. Résultat, plus de 90 % des retraités reçoivent plus que ce qu’ils ont cotisé. C’est le système le plus solidaire et le plus avantageux pour les bas et moyens salaires.

Càd : Quand cette 13ème rente A.V.S. entrera en application ?
M.D. : Le Conseil fédéral a déjà annoncé qu’il ferait des propositions sans spécifier une date de mise en œuvre qui se fera au plus tard en 2026.

Càd : On note aussi une certaine homogénéité géographique dans l’adhésion à cette initiative.
M.D. : Tout à fait, il n’y a pas eu de “Röstigraben”, c’est-à-dire de fracture entre la Suisse Romande et la Suisse alémanique. Seuls huit cantons alémaniques ont refusé le texte.

Càd : La seconde initiative soumise à votation le 3 mars concerne le passage de l’âge de la retraite de 65 à 66 ans. Là aussi, le résultat est sans appel avec 74,7 % de vote populaire contre cette proposition.
M.D. : Il y a deux ans, la votation pour passer de 64 à 65 ans était passée à quelques milliers de voix près. C’était déjà un signal pour signifier que les gens ne veulent pas travailler plus longtemps. La nouvelle initiative était portée par les jeunes libéraux radicaux.

Càd : Vous comptez défendre d’autres propositions à caractère social en 2024 ?
M.D. : Oui, avec deux autres projets. L’un porte sur la réforme du second pilier que nous combattons et l’autre sur le plafonnement des primes maladie à 10 % des revenus. Les primes maladies augmentent année après année et impactent le pouvoir d’achat des bas et moyens revenus des retraités. D’abord il est important de pouvoir plafonner les primes maladies et ensuite on souhaiterait aller vers une caisse publique, ce qui consiste aussi à remettre en cause l’opacité des caisses privées.


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